Courants littéraires
Le
Romantisme
XIXe siècle
Définition
LES PRÉCURSEURS
Quelques écrivains de la fin du XVIIIe siècle, William Blake, Jean-Jacques
Rousseau et les écrivains allemands du Sturm und Drang,
parmi lesquels le Goethe des Souffrances du jeune Werther (1774) et le Schiller
des Brigands (1781) sont considérés comme des précurseurs du Romantisme, des
« préromantiques », pour reprendre un terme inventé par la critique
au début du XXe siècle. Il y a déjà, en
effet, dans les œuvres de Rousseau comme dans celles de Senancour, les
premières expressions d’un des aspects les plus importants du romantisme :
le sentiment de la nature, exprimé comme une extase fondée sur la ressemblance
entre le paysage intérieur (celui de l’âme) et le paysage extérieur. Il y a
déjà, aussi, dans René ou dans les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, une peinture de ce « mal de vivre » ou de ce « mal du
siècle » qui va devenir le thème privilégié de la poésie romantique, celle
de Vigny ou de Musset, par exemple.
Même si l’adjectif « romantique » est apparu dès
l’âge classique pour concurrencer l’adjectif « romanesque », il ne prend son
sens moderne que progressivement, par opposition à l’adjectif « classique »
(c’est ainsi que l’emploient d’abord Goethe, Schlegel, Stendhal, etc.). En France, c’est Rousseau, dans les Rêveries du promeneur solitaire,
qui, l’un des premiers, lui donne son sens actuel en l’utilisant pour qualifier
le caractère pittoresque et sauvage d’un paysage.
En Allemagne, le même adjectif est utilisé pour
désigner la poésie médiévale et chevaleresque, comme l’expose, dans De l’Allemagne (1813), Mme de Staël, qui
introduit en France les œuvres de la littérature allemande, notamment celles du
Sturm und Drang. Ce n’est que par la suite que la forme nominale, « romantisme », entre en usage.
CARACTÉRISTIQUES
S’il est possible de dégager un certain nombre de
caractéristiques communes aux romantismes des divers pays d’Europe, chacun n’en
demeure pas moins très spécifique, en raison des conditions politiques et
sociales particulières dans lesquelles il se développe. Par exemple, le
romantisme anglais, inauguré par les Ballades lyriques (1798)
de Wordsworth et Coleridge, et préfiguré par les Chants d’innocence (1789) de Blake, n’a pas de
véritable manifeste d’école. Notons aussi que certains des écrivains anglais
contemporains de la période romantique, parmi lesquels Jane Austen, ne sont pas
considérés comme des romantiques. En France, en revanche, le romantisme produit
un retentissant manifeste d’école, la préface deCromwell (1827)
de Victor
Hugo, précédée de l’étude de Stendhal, Racine et Shakespeare (1823-1825), qui oppose le
« Romantisme » au Classicisme pour louer le premier (incarné par Shakespeare) au détriment du
second (représenté par Racine).
Il est vrai que tous ces romantismes nationaux
ont en commun d’être des mouvements destructeurs, rejetant les préceptes
rationalistes du Siècle des Lumières et les canons esthétiques du Classicisme. En outre, à travers tout le courant européen du Romantisme, des traits
généraux s’affirment nettement : la critique du rationalisme, la
renaissance de l’intérêt pour la période médiévale gothique, le goût pour les
paysages d’un Orient poétisé et pour l’évocation de la vie intérieure, la
prééminence accordée au rêve et à l’imagination créatrice, et surtout un intérêt accru pour l’individu, perçu comme origine de la
représentation.
Mais se contenter de dégager ces thèmes communs
revient à gommer les spécificités nationales au détriment de la compréhension
des œuvres.
Si, par exemple, on peut reconnaître le même souci de décrire les nuances de la vie intérieure dans les Méditations poétiques (1820) de Lamartine, et dans les Hymnes à la nuit (1800) de Novalis, ces deux œuvres sont pourtant très différentes l’une de l’autre ; elles ne sont comparables, en effet, ni sur le plan du contexte culturel dans lequel elles s’inscrivent, ni sur le plan formel, ni surtout sur celui de leur intention poétique. Il est donc préférable, pour éviter toute généralisation abusive, de parler du romantisme en tenant compte de ses spécificités nationales.
Si, par exemple, on peut reconnaître le même souci de décrire les nuances de la vie intérieure dans les Méditations poétiques (1820) de Lamartine, et dans les Hymnes à la nuit (1800) de Novalis, ces deux œuvres sont pourtant très différentes l’une de l’autre ; elles ne sont comparables, en effet, ni sur le plan du contexte culturel dans lequel elles s’inscrivent, ni sur le plan formel, ni surtout sur celui de leur intention poétique. Il est donc préférable, pour éviter toute généralisation abusive, de parler du romantisme en tenant compte de ses spécificités nationales.
Romantisme
français
PRÉROMANTISME (V. 1780 – 1820)
Rousseau avec Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761) et les Rêveries du promeneur solitaire (1778, édition
posthume en 1782), Mme de Staël avec Delphine (1802)
et Corinne ou l’Italie (1807), Chateaubriand avec Atala (1801) et René (1802-1805), Senancour avec Oberman (1804), sont habituellement désignés comme
les précurseurs du Romantisme en France. Cette étiquette de précurseurs leur
convient, en effet, si l’on s’en tient à une définition du Romantisme français
comme école. Mais le lyrisme mélancolique, le sentiment d’une
identité entre l’être intérieur et l’être de la nature, les élans successifs
d’exaltation et de désespoir, le dégoût de la vie (que dépeint le René de Chateaubriand et qui définit l’âme romantique) sont tout aussi présents
chez Rousseau que chez Lamartine ou Musset.
MANIFESTES ET POLÉMIQUES
C’est sans doute la force du classicisme en
France – la réussite indiscutable et écrasante des tragédies raciniennes, par exemple – et l’immobilisme des institutions
littéraires, alliés à un certain conservatisme littéraire, social et politique,
qui expliquent la naissance tardive du romantisme français par rapport au
romantisme allemand ou anglais.
Dans ce contexte, les jeunes auteurs romantiques
ont, en effet, fort à faire pour s’imposer : leur goût de la polémique et
de la provocation, tel qu’il s’exprime notamment dans les manifestes et dans
les préfaces de leurs œuvres, vient de là. En réalité, l’opposition entre Classicisme et Romantisme, entre souci d’équilibre et d’harmonie d’une part
et lyrisme débridé d’autre part, si souvent mise en avant par les
romantiques comme par leurs détracteurs, doit être nuancée, car l’audace
formelle du Romantisme par rapport à la norme classique est, dans beaucoup de
cas, moins importante qu’il n’y paraît. En outre, sur le plan thématique, les
poètes romantiques utilisent couramment des mythes de l’Antiquité grecque ou
romaine.
Les mythes faisant référence à la nature d’un point de vue panthéiste sont, en
particulier, un moyen d’exprimer le sentiment d’une identité secrète entre la
nature créée et l’âme humaine: c’est le thème fameux du paysage comme reflet de
l’âme (ou de la nature comme miroir de l’âme). La poésie, avant Baudelaire et sa poétique des Correspondances, est
donc déjà, pour les romantiques, un outil privilégié pour dévoiler les liens
cachés qui organisent l’Univers.
POÉSIE ET MAL DU SIÈCLE
Ce sont les Méditations poétiques (1820)
de Lamartine qui constituent traditionnellement l’acte de naissance du lyrisme
romantique en France.
La poésie romantique française, dès l’origine, a pour maître-mot l’émotion. Marquant l’émergence de l’individu, elle met en avant l’expression, à la première personne, des sentiments et des états d’âme du poète. Loin des recherches formelles gratuites, cette poésie ne semble avoir d’autre thème, d’autre principe unificateur ni d’autre fin que le sujet lui-même. Celui-ci, fasciné par la complexité de son être intérieur, écrit moins pour un lecteur que pour y trouver « un soulagement de [son] propre cœur » (Lamartine).
La poésie romantique française, dès l’origine, a pour maître-mot l’émotion. Marquant l’émergence de l’individu, elle met en avant l’expression, à la première personne, des sentiments et des états d’âme du poète. Loin des recherches formelles gratuites, cette poésie ne semble avoir d’autre thème, d’autre principe unificateur ni d’autre fin que le sujet lui-même. Celui-ci, fasciné par la complexité de son être intérieur, écrit moins pour un lecteur que pour y trouver « un soulagement de [son] propre cœur » (Lamartine).
En 1836, Jocelyn (suivi
de la Chute d’un ange, 1838), œuvre de Lamartine, se présente d’ailleurs comme une « épopée de l’âme ». La Confession d’un enfant du siècle (1836)
et les Nuits (1835-1837), de Musset, peignent aussi le dégoût de l’existence et les tourments d’une âme qui
n’a pas en ce monde ce qu’elle désire. Quant à Vigny, il décrit dans Stello (1832),
puis dans Chatterton (1835), ce qu’il
appelle une « épopée de la désillusion », à
travers l’itinéraire d’individus inaptes à trouver leur place dans la société.
Ce lyrisme, qui confine parfois à la sensiblerie,
sera d’ailleurs condamné par les générations suivantes, notamment par les
auteurs symbolistes. Cependant, il ne faut pas oublier que cette poésie est
aussi révolutionnaire et engagée – notamment celle de Hugo avec les Châtiments (1853)
et de Lamartine avec son Recueillement poétique (1839).
Les complaintes romantiques ne sauraient, de ce fait, être interprétées comme
les symptômes d’un narcissisme maladif et d’un repli exclusif sur les
préoccupations d’ordre privé.
DRAME ROMANTIQUE
Le romantisme français présente cette
particularité d’avoir été un mouvement dont les mots d’ordre étaient plus
esthétiques que spéculatifs : dès le Racine et Shakespeare (1823-1825)
de Stendhal commence une remise en cause des préceptes esthétiques du classicisme (en l’occurrence ceux de la tragédie néoclassique) au
profit de la
dramaturgie shakespearienne et de ses démesures.
La génération romantique (Hugo, Musset, Vigny, Gautier, Nerval, Sainte-Beuve), qui forme le Cénacle (successeur du salon littéraire),
participe à un mémorable scandale, survenu lors de la représentation du
drame Hernani (1830) de Victor Hugo , et connu sous le nom de « bataille d’Hernani ».
Le drame hugolien engendre une révolution qui remet en question les préceptes
dont la tragédie est dotée depuis le Grand Siècle, notamment la règle fondamentale des trois
unités. Selon cette règle, l’intrigue devait
former un tout (unité d’action), cependant que la scène devait ne
représenter qu’un seul lieu (unité de lieu) et la
durée des événements représentés ne pas dépasser vingt-quatre heures (unité de temps).
Le théâtre de Victor Hugo, dont les pièces les plus connues sont Cromwell (1827), Marion Delorme (1829), Hernani (1830), Lucrèce Borgia (1833)
et Ruy Blas (1838), mais aussi celui de Musset, avec la Nuit vénitienne (1830), les Caprices de Marianne (1833), Fantasio (1834), Lorenzaccio (1834)
et On ne badine pas avec l’amour (1834), bouleversent
toutes ces prescriptions. La dramaturgie romantique multiplie les
personnages et les lieux, mêle le vers et la prose, le style haut
et le style bas, le sublime et le grotesque, le beau et l’horrible.
La Préface de Cromwell, qui contient un exposé de la
poétique hugolienne, est une véritable défense et une illustration du drame
romantique ; elle sert de manifeste à la littérature romantique.
PROSPÉRITÉ DU MOUVEMENT ROMANTIQUE
Le romantisme français est particulièrement varié
et vigoureux dans ses manifestations, puisqu’il s’incarne dans la peinture, la musique,
l’histoire, la politique, la critique littéraire, le
théâtre, la
poésie, le
roman, l’essai, les
mémoires, etc. De nombreux auteurs et artistes ne se réclamant
pas du romantisme sont pourtant si profondément influencés par lui qu’ils lui
sont traditionnellement associés dans l’histoire culturelle française.
Après un foisonnement d’œuvres entre 1830 et
1840, l’échec du drame de Victor Hugo, les Burgraves (1843), marque en France la fin de
la période romantique. Toute la production littéraire d’écrivains qui, à un
titre ou à un autre, se rattachent au romantisme (Nerval, Gautier, Baudelaire) ne relève plus, alors, du mouvement de 1830. Cependant, même
officiellement mort aux alentours de 1850, le romantisme a survécu par
l’influence, affichée ou souterraine, qu’il exerce sur les choix thématiques et
sur la sensibilité des auteurs modernes.
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