Courants littéraires
L’Humanisme
XVIe siècle
L’humanisme, mouvement
d’idées qui culmina en Europe au XVIe siècle, et
position qui place au-dessus de toutes les valeurs la personne humaine et la
dignité de l’individu.
L’humanisme en tant que mouvement visant à renouer
avec certaines valeurs de l’Antiquité fait partie intégrante de la Renaissance. Il prit naissance au XIVe siècle en
Italie, avec Pétrarque, Boccace, et prospéra au XVe siècle
avec Marsile Ficin, mais il se développa partout en Europe, notamment en
France, où il se nourrit en particulier de la pensée de l’école de Chartres.
En Italie, des érudits comme Coluccio Salutati
(1331-1406) et le Pogge diffusèrent des œuvres d’auteurs romains, tandis que
d’autres, comme Guarino Veronese (1374-1460) et Francesco Filelfo (1396-1481)
révélèrent à leurs contemporains des auteurs grecs de l’Antiquité. Des poètes
néo-latins remirent au goût du jour les formes de la poésie latine et des
philologues comme Lorenzo Valla inaugurèrent la critique philologique des
textes bibliques. Parmi les savants humanistes admirés pour leur érudition et
leur esprit de liberté figure Pic de La Mirandole, qui publia neuf cents
thèses à débattre par des philosophes et des théologiens. À Florence se
développa une Académie dès le XVe siècle (à
laquelle succédèrent d’autres académies, telle l’académie Crusca en 1582);
véritable creuset de l’humanisme italien et européen, elle reçut une forte
impulsion des érudits byzantins qui s’y fixèrent après la prise de
Constantinople par les Turcs en 1453. Opposée à l’aristotélisme, réintroduit en
Europe par des philosophes arabes tels qu’Averroès et Avicenne puis repris par
Thomas d’Aquin et en faveur dans de nombreuses universités, en particulier
celle de Padoue, l’académie de Florence opéra un retour à la philosophie de
Platon. Le promoteur de ce néoplatonisme humaniste fut Marsile Ficin, qui, sous
l’égide de l’homme d’Etat florentin Cosme de Médicis, rassembla les humanistes
de Florence et entreprit avec Pic de La Mirandole une collaboration
parfois orageuse. Il influença même des théologiens en les incitant à la
tolérance, comme l’Allemand Nicolas de Cuse, auteur de la Docte Ignorance (1440).
Le début de l’Humanisme français fut marqué par
le philosophe et théologien Jean de Gerson et ses amis du collège de Navarre,
fondé en 1304 sur l’emplacement de la future école Polytechnique sur la
montagne Sainte-Geneviève à Paris. Comme dans le reste de l’Europe, le
développement des imprimeries (celle de la Sorbonne fut installée vers 1470
sous l’impulsion de Guillaume Fichet) facilita l’enseignement du grec (propagé
par Guillaume Budé) ainsi que du latin et de l’hébreu.
Le même engouement humaniste pour la culture et
la tolérance se répandit en Allemagne, notamment avec Johannes Reuchlin, qui
s’était rendu à Florence et qui avait connu Pic de La Mirandole et Ficin.
Au nom de ces idéaux et contre l’avis de l’empereur germanique Maximilien Ier,
qui voulut détruire tous les textes hébraïques hors la Bible, comme le Talmud
et les écrits de la Kabbale, Reuchlin défendit la thèse selon laquelle ces
écrits faisaient partie d’un héritage précieux pour l’humanité. La lecture
critique des textes sacrés dans l’esprit de liberté se prolongea en Allemagne
au XVIe siècle avec les défenseurs de la Réforme,
notamment Mélanchthon, qui tenta d’apaiser certaines querelles théologiques
entre catholiques et réformés.
En France, Jacques Lefèvre d’Etaples reprit, sous
l’influence de Reuchlin, l’enseignement de l’hébreu qu’il considéra comme
élément de la culture humaniste. L’humanisme prit un nouvel essor avec la
création par François Ier du Collège
des lecteurs royaux (futur Collège de France). La traduction des ouvrages
d’auteurs anciens, mise en valeur par Etienne Dolet, permit la large diffusion
d’un platonisme christianisé, fortement revendiqué par les humanistes français,
qui marqua au milieu du XVIe siècle les poètes de la Pléiade comme Ronsard et Du
Bellay. En philosophie, Montaigne, tout en soutenant que la raison n’est qu’une « raison
déraisonnable » qui ne permet pas d’établir les lois de la nature ni de
constituer une science universelle, accorda à la raison le pouvoir de libérer
l’homme des idoles et des vérités « toutes faites » issues de la
scolastique. Par l’autonomie de la raison, Montaigne affirma également l’autonomie de l’homme.
Dans le reste de l’Europe, l’humanisme marqua les
débuts de la Réforme ; il se répandit notamment grâce au Hollandais
Érasme, qui écrivit, après avoir séjourné chez Thomas More en Angleterre, Éloge de la folie (publié à Paris en 1511).
Son ouvrage parvint également en Angleterre, où l’humanisme fut implanté à
l’université d’Oxford par les érudits William Grocyn (1446-1519) et Thomas
Linacre (v. 1460-1524), tous deux maîtres de Thomas More. L’humanisme
exerça une influence décisive sur la littérature anglaise et marqua en
particulier le théâtre élisabéthain.
L’Humanisme, parti d’un
retour aux textes et à certaines valeurs de l’Antiquité, s’est adjoint tout naturellement
l’esprit de liberté et d’indépendance à l’égard des dogmes trop rigides et
constitua incontestablement un courant qui, grâce à la Réforme, permit une
nouvelle libération des hommes et l’apparition d’un esprit de tolérance nourri
de ce que le Don Juan de Molière manifestera à l’égard du pauvre homme qui lui indiquait son chemin,
l’« amour de l’humanité ».
L’Humanisme de la Renaissance s’est maintenu dans
le monde occidental jusqu’à la rupture opérée par Nietzsche avec la morale
judéo-chrétienne : déclarant la « mort de Dieu », il ouvrit la
voie à l’humanisme athée. La référence à l’Homme comme sujet universel, qui
agit au nom des valeurs, disparut complètement avec certains mouvements
idéologiques du XXe siècle et des philosophies
très diverses, dont celles de Heidegger en Allemagne ou de Foucault en France
donnèrent la mesure.
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