Le théâtre de
l'absurde
Le commencement « Le théâtre de l'absurde »
Au
XXe siècle, le plus populaire parmi les mouvements d’avant-garde fut le théâtre
de l’absurde. Héritiers spirituels de Jarry, des dadaïstes et des surréalistes,
influencés par les théories existentialistes d’Albert Camus et de Jean-Paul
Sartre, les dramaturges de l’absurde voyaient, selon le mot d’Eugène Ionesco, «
l’homme comme perdu dans le monde, toutes ses actions devenant insensées,
absurdes, inutiles ». Rendu célèbre par Eugène Ionesco (la Cantatrice chauve,
1951 ; Rhinocéros, 1959) et par Samuel Beckett (En attendant Godot, 1952), le
théâtre de l’absurde tend à éliminer tout déterminisme logique, à nier le
pouvoir de communication du langage pour le restreindre à une fonction purement
ludique, et à réduire les personnages à des archétypes, égarés dans un monde
anonyme et incompréhensible.
Le
théâtre de l’absurde connut son apogée dans les années 1950, mais son influence
devait se manifester jusque dans les années 1970. Les premières pièces de
l’Américain Edward Albee furent considérées comme relevant de ce courant, en
raison des éléments apparemment illogiques ou irrationnels qui présidaient aux
actes de ses personnages.
Harold
Pinter peut également être rattaché à ce courant, à travers des pièces d’aspect
sombre et hermétique, comme le Retour (1964). Pinter pour sa part présentait
ses œuvres comme réalistes, pour leur fidélité au monde quotidien, bien
qu’elles ne fassent voir et entendre que les bribes d’une réalité inexpliquée.
Définition du théâtre de l'absurde
Le
théâtre de l'absurde est un terme formulé pour la première fois par l'écrivain
et critique Martin Esslin pour désigner une direction théâtrale importante du
XXe siècle, aussi pour classer les œuvres de certains auteurs dramatiques des
années 1950, principalement en France, qui rompaient avec les concepts
traditionnels du théâtre occidental. Il désigne essentiellement le théâtre de
Beckett, Ionesco, Arrabal, les premières pièces d'Adamov et de Genet.
L'absurdité
des situations mais également la destructuration du langage lui-même ont fait
de ce style théâtral un mouvement dramatique à part entière. Ce type de théâtre
montre une existence dénuée de signification et met en scène la déraison du
monde dans laquelle l'humanité se perd.
C’est
dans les années 1960 qu’est apparu ce terme. Certaines œuvres dramatiques, de
Ionesco par exemple ne pouvaient être qualifiées de tragiques, ce même si les
sujets traités avaient bien des airs de tragique .
Le
théâtre de l’absurde désigne essentiellement le théâtre de Beckett, Ionesco.
L'apparente absurdité de la vie, un thème existentialiste que l'on trouvait
chez différents auteurs tels Sartre et Camus. Le théâtre de l'absurde n’est ni
un mouvement ni une école. Les auteurs du théâtre absurde, peu nombreux,
n’appartiennent pas à la bourgeoisie. Ils ont en commun cette volonté de
rejeter les règles du théâtre, à savoir unité de temps, unité de lieu et unité
d’action. C’est une approche plus psychologique de la société et de l’homme (nature
humaine) qu’ils tentent de faire partager par le biais d’une intrigue et d’une
communication par un dialogue souvent difficile (Dans « En attendant Godot » de
beckett, les deux personnages parlent mais on a l’impression que chacun d’eux a
un discours différent…c’est vouloir montrer la difficulté de la communication…et
c’est bien vrai… !).
Ils
introduisent de ce fait l'absurde au sein même du langage. Ce n’est pas
innocent. En s’exprimant ainsi, ils souhaitent mettre en évidence la difficulté
de l’homme à communiquer, à clarifier ( trouver) le sens des mots. De plus, en
cherchant le sens des mots, l’homme s'angoisse et a peur de ne pas y parvenir.
C’est ainsi que, Ionesco comme Beckett faisaient le portraits de antihéros face
à eux-mêmes et à leur misère existentielle. Les personnages errent souvent dans
ce monde sans le moindre repère, prisonniers d’eux mêmes et, parfois (même
souvent) de leur ignorance.
Par
des procédés tels que le décalage entre personnage et l’image qu’il peut avoir
de lui part et rapport à lui-même, et par rapport à l’autre, enfin par rapport
au monde, il en perd son identité. Ces pièces, appartenant au théâtre de
l’absurde, travaillent finalement sur des sujets qui restent récurrents : la
conscience et l’inconscience, la logique et l’absurde, le langage compris ou non.
Pour
Ionesco, le théâtre de l'absurde est le théâtre qui pose le problème de la
condition humaine.
Sources philosophiques
Cette
conception trouva appui dans les écrits théoriques d'Antonin Artaud, le Théâtre
et son double (1938), et dans la notion brechtienne de l'effet de distanciation
(Verfremdungseffekt). L'apparente absurdité de la vie est un thème
existentialiste que l'on trouvait chez Sartre et Camus mais ceux-ci utilisaient
les outils de la dramaturgie conventionnelle et développaient le thème dans un
ordre rationnel. Sans doute influencé par Huis clos (1944) de Sartre, le
théâtre de l'absurde ne fut ni un mouvement ni une école et tous les écrivains
concernés étaient extrêmement individualistes et formaient un groupe
hétérogène. Ce qu'ils avaient en commun, cependant, outre le fait qu'ils
n'appartenaient pas à la société bourgeoise française, résidait dans un rejet
global du théâtre occidental pour son adhésion à la caractérisation
psychologique, à une structure cohérente, une intrigue et la confiance dans la
communication par le dialogue. Héritiers d'Alfred Jarry et des surréalistes,
Samuel Beckett (En attendant Godot, 1953, Fin de partie, 1957) ou Jean Vauthier
(Capitaine Bada, 1950) introduisirent l'absurde au sein même du langage,
exprimant ainsi la difficulté à communiquer, à élucider le sens des mots et
l'angoisse de ne pas y parvenir. Ils montraient des antihéros aux prises avec
leur misère métaphysique, des êtres errant sans repères, prisonniers de forces
invisibles dans un univers hostile (Parodie d'Adamov, 1949; les Bonnes de
Genet, 1947; la Cantatrice chauve de Ionesco, 1950). Par des processus de
distanciation et de dépersonnalisation, ces pièces, démontent les structures de
la conscience, de la logique et du langage.
Nouvelle dramaturgie
Nourris
de Freud, ces auteurs dramatiques créèrent des personnages marqués par le
traumatisme de la guerre chez qui la vie psychique a pris le pas sur la réalité
et qui dominent mal leurs fantasmes et leurs névroses. À la suite de
l'expérience historique des camps de concentration et d'Hiroshima, la
conviction selon laquelle le monde a un sens fut ébranlée : on prit conscience
de l'abîme entre les actes humains et les principes nobles. Les pièces
obéissent à une logique interne, fondée sur le caractère et le statut des
personnages, sur l'intrigue (souvent circulaire, sans but, ne tendant jamais
vers un dénouement esthétique), sur les objets (pouvant proliférer au point
d'effacer les caractères, comme chez Ionesco, ou bien réduits au strict
minimum, comme chez Beckett, mettant en exergue les thèmes récurrents du vide
et du néant) et sur l'espace, identifié au personnage; ainsi dans Oh les beaux
jours (1963) de Beckett, Winnie s'enlise dans le sable et le monologue.
Exprimant
un état d'esprit propre à la période de l'après-guerre, le théâtre de l'absurde
présentait le rapport de l'Homme au monde comme immuable, par opposition à la
théorie brechtienne qui le suppose transformable. Adamov s'éleva cependant
contre cette vision désespérée du monde (le Professeur Taranne, 1953).
Le
théâtre des années 1950 que l'on a dit d'avant-garde fut un des plus féconds et
des plus brillants de l'histoire de l'art théâtral.
Origine critique
L'essai
de Martin Esslin publié en 1961, où l'expression théâtre de l'absurde devient
célèbre, définit ce type de dramaturgie en la distinguant des écrits d'Albert
Camus, et notamment du Mythe de Sisyphe qui portent sur l'absurdité de l'être.
Pour Esslin les principaux dramaturges du mouvement sont Eugène Ionesco, Samuel
Beckett, Jean Genet et Arthur Adamov, bien que chacun de ces auteurs ait les
préoccupations et des styles très personnels qui dépassent le terme absurde.
Géographiquement,
le théâtre de l'absurde est à l'origine très clairement situé dans le Paris
avant-gardiste, dans les théâtres de poche de la rive gauche, et même plus
précisément du quartier latin. Cependant parmi les chefs de file de ce
mouvement qui vivent en France peu sont français.
L'avant-garde de l'après-guerre
En
analysant le répertoire de l'avant-garde dramatique de son époque, Martin
Esslin montre que ces pièces de théâtre sont moins farfelues qu'elles ne
paraissent et qu'elles possèdent une logique propre, s'attachant à créer des
mythes, autrement dit une réalité plus psychologique que physique. Elles montrent
l'homme plongé dans un monde qui ne peut ni répondre à ses questions, ni
satisfaire ses désirs. Un monde qui, au sens existentialiste du mot, est «
absurde ».
À
partir de La Cantatrice chauve, première pièce de Ionesco en 1950, se fonde
pourtant un absurde spécifiquement théâtral, plus proche du raisonnement par
l'absurde connu en logique, que de la notion existentialiste. La critique de
l'époque appelait d'ailleurs également ce mouvement dramatique : «nouveau
théâtre», l'expression «théâtre de l'absurde» étant au début désavoué par
Ionesco et Adamov qui récusaient toute appartenance à l'existentialisme. Ce
genre se fonde aussi sur le spectacle total prôné par Antonin Artaud.
Ce
théâtre qui va, dit Esslin en 1981, fournir un langage nouveau, des idées
nouvelles, des points de vue nouveaux et une philosophie nouvelle, vivifiée,
qui transformeraient dans un avenir assez proche les modes de pensées et de
sentiment du grand public.
Jean-Paul SARTRE (1905-1980 )
Sartre est le premier
phénoménologue français, et la figure la plus illustre de l'existentialisme. Si
sa réflexion est d'abord une tentative pour
élargir le champ phénoménologique ouvert par Husserl, elle s'enrichit aussi des influences de Hegel et de Heidegger, du
volontarisme cartésien, et du marxisme. Sartre est né à Paris en 1905. Son
enfance, qu'il raconte dans Les Mots, est marquée par un goût frénétique pour
la lecture, et la solitude. Après de brillantes études, il entre à l'École
normale supérieure de la rue d'Ulm, puis enseigne au Havre et à Paris. En 1944,
il quitte l'enseignement et devient directeur de la revue les Temps modernes
qui influencera toute une génération d'intellectuels. Dès son premier ouvrage,
L'Imagination, paru en 1936, il installe la négativité au cœur même de la conscience,
en la définissant par sa capacité à dépasser et à transformer tout donné. On
retrouve ce thème dans La Nausée publiée en 1938. La conscience est un néant
dans le plein de l'être, et ne peut être réduite au rang de chose sans perdre
sa nature de conscience. Ainsi s'élabore l'opposition entre l'être et le néant,
titre de son ouvrage principal paru en 1943, pierre angulaire de sa philosophie
comme de son œuvre littéraire. Le " pour soi " de la conscience
existe en transcendant " l'en soi " des choses ; cette capacité à
transcender tout donné définit la liberté de la conscience. Certes, je peux
fuir cette liberté, qui est aussi responsabilité, par la mauvaise foi, qui
cherche à réduire la négativité de la conscience en chose, et qui fait passer
mes choix pour des qualités passivement détenues. Mais la mauvaise foi est déjà
une façon de me vouloir tel, fuyant devant ma liberté, et me détermine comme un
projet fondamental. Toutefois, l'opposition de l'être et du néant fait problème:
elle isole la conscience aussi bien du monde que des autres consciences. En
effet, si la conscience nie tout ce qu'elle rencontre, elle ne saurait
coexister, dans une reconnaissance réciproque, avec une autre conscience. Bien
au contraire, l'intersubjectivité est une lutte où chaque sujet essaie
d'anéantir l'autre, non par un meurtre, mais par la négation de sa liberté et
de sa subjectivité. L'expérience sartrienne d'autrui est toujours un désastre :
être pour autrui, c'est être chose sous le regard d'autrui, lequel nie ma
liberté. Par son regard, signe expressif de sa subjectivité, autrui me fige. Il
ne saisit de moi qu'un geste, qu'une attitude de mon corps, et m'y réduit comme
une chose parmi les choses du monde. Autrui est celui qui me révèle
douloureusement mon être-objet, en m'y confondant. La philosophie sartrienne
rend impossible une pensée harmonieuse des rapports entre consciences : "
L'enfer, c'est les autres "écrit le dramaturge de Huis clos. Un enfer où
je suis toujours, soit sujet face à autrui-objet, soit objet sous le regard
d'autrui-sujet, sans que s'ouvre une autre possibilité. Ainsi le regard n'est
jamais ni complice, ni interrogateur, ni naïf ; il est ce qui me surprend pour
m'ôter tous mes projets et me priver de ma liberté. La honte, que décrit
l'exemple de l'indiscret surpris en train d'espionner par un trou de serrure,
est la vérité du rapport à autrui. Même l'effort de la Critique de la raison
dialectique pour suspendre ce conflit, en introduisant une tierce personne ou
une collectivité, ne réussit pas à effacer ce rejet de l'autre. Ainsi dans une
communauté humaine, la loi, le règlement, la tradition me sont toujours imposés
par autrui, par l'anonymat des autres, et limitent ma liberté. La lutte, qui
est l'essence de toute relation intersubjective, voue ma liberté à l'échec. Le
" nous " n'est qu'une collectivité anonyme de consciences singulières
qui sont incapables d'arriver à un réel partage. Fondamentalement solitaire, la
conscience doit assumer cet isolement en réfléchissant sur sa liberté et sur le
projet originaire qui court à travers ses divers choix et ses engagements. Le
projet originaire se détecte par une " psychanalyse existentielle ",
dont la principale illustration est l'étude de Sartre sur Flaubert, L'Idiot de
la famille, parue en 1971. Seule la présupposition de ce projet fondamental
permet de concilier la liberté radicale qui définit toute conscience, et une
certaine stabilité de caractère qui me donne une identité sans pour autant
devenir un déterminisme. La notion d'engagement n'est donc pas simplement
politique pour Sartre: l'engagement, le choix
et le projet sont à la source de notre vie et la constituent. Nous ne sommes
qu'en nous choisissant et en nous faisant ; bref, en existant : l'existence en
nous précède l'essence parce qu'elle la produit. Ainsi, dans un monde sans
Dieu, la liberté devient le seul absolu apte à créer des valeurs et à définir
notre être.
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