Voltaire
(1694-1778)
François-Marie Arouet, dit Voltaire, né le 21 novembre 1694 à Paris où il est mort le 30 mai 1778, est un écrivain et philosophe qui a marqué le XVIIIe siècle et qui occupe une place particulière
dans la mémoire collective française et
internationale.
Figure
emblématique de la France des Lumières, chef de file du parti philosophique, son nom reste
attaché à son combat contre « l’Infâme », nom qu’il donne au fanatisme religieux, et pour la
tolérance et la liberté de penser. Déiste en dehors des
religions constituées, son objectif politique est celui d’une monarchie modérée
et libérale, éclairée par les « philosophes ». Intellectuel engagé au
service de la vérité et de la justice, il prend, sur le tard, seul et en se
servant de son immense notoriété, la défense des victimes de l’intolérance religieuse
et de l’arbitraire dans des affaires qu’il a rendues célèbres (Calas, Sirven, chevalier de La Barre, comte de Lally).
De
son immense œuvre littéraire, on lit aujourd’hui essentiellement ses contes et
romans, où se concentre le meilleur de l'écrivain – la fantaisie, la finesse du
trait, le bonheur de l’écriture, l’esprit du philosophe –, mais aussi les Lettres
philosophiques, le Dictionnaire philosophique et sa prodigieuse
correspondance, plus de 21 000 lettres retrouvées. Son théâtre, ses
poésies épiques, ses œuvres historiques, qui firent de lui l’un des écrivains
français les plus célèbres au XVIIIe siècle, sont aujourd’hui
largement négligées ou ignorées.
Tout
au long de sa vie, Voltaire fréquente les Grands
et courtise les monarques, sans dissimuler son dédain pour le peuple, mais il
est aussi en butte aux interventions du pouvoir, qui l’embastille et le
contraint à l’exil en Angleterre ou à l’écart de
Paris. En 1749, après la mort d’Émilie du Châtelet, avec laquelle il a
entretenu une liaison houleuse de quinze ans, il part pour la cour de Prusse, mais, déçu dans ses
espoirs de jouer un grand rôle auprès de Frédéric II à Berlin, se brouille avec lui
après trois ans et quitte Berlin en 1753. Il se réfugie un
peu plus tard aux Délices, près de Genève, avant d’acquérir en
1759 un domaine à Ferney, sur la frontière
franco-genevoise, à l’abri des puissants. Il ne reviendra à Paris qu’en 1778,
ovationné par le peuple après une absence de près de vingt-huit ans. Il y meurt
à 83 ans.
Voltaire
aime le confort, les plaisirs de la table et de la conversation, qu’il
considère, avec le théâtre, comme l’une des formes les plus abouties de la vie
en société. Soucieux de son aisance matérielle qui garantit sa liberté et son
indépendance, il acquiert une fortune considérable dans des opérations
spéculatives qui préfigurent les grandes spéculations
boursières sous Louis XVI et dans la vente de ses ouvrages, ce
qui lui permet de s’installer en 1759 au château de Ferney et d'y vivre sur un
grand pied, tenant table et porte ouvertes. Le pèlerinage à Ferney fait partie
en 1770-1775 du périple de formation de l’élite européenne éclairée.
Investissant ses capitaux, il fait du village misérable de Ferney une petite
ville prospère. Généreux, d'humeur gaie, il est néanmoins chicanier et parfois
féroce et mesquin avec ses adversaires comme Jean-Jacques
Rousseau
ou Crébillon.
Considéré
par la Révolution française – avec Jean-Jacques
Rousseau, son frère ennemi – comme un précurseur, il entre au Panthéon en 1791,
le deuxième après Mirabeau. Célébré par la IIIe
République (dès 1870, à Paris, un boulevard et une place portent son nom, puis
un quai, une rue, un lycée, une station de métro…), il a nourri, au XIXe siècle,
les passions antagonistes des adversaires et des défenseurs de la laïcité de
l’État et de l’école publique, et, au-delà, de l’esprit des Lumières.
Biographie
Débuts (1694-1733)
Sans doute bâtard, à coup sûr, d'emblée
cabotin et irrévérencieux (1694-1704)
François-Marie
Arouet est né officiellement le 21 novembre 1694 à Paris et a été
baptisé le lendemain à l'église de Saint-André-des-Arcs. Mais Voltaire a
plusieurs fois affirmé qu'il était né en réalité le 20 février 1694 à Châtenay-Malabry. Il a contesté aussi
sa paternité, persuadé que son vrai père était un certain Rochebrune, client du
notaire Arouet, « mousquetaire, officier, auteur » et « homme
d'esprit ». Le baptême à Paris aurait été retardé du fait de la naissance
illégitime et du peu d’espoir de survie de l’enfant. Aucune certitude n’existe
sinon que l’idée d’une naissance illégitime et d’un lien de sang avec la
noblesse d’épée ne déplaisait pas à Voltaire.
Du
côté paternel (officiellement), les Arouet sont originaires d’un petit village
du nord du Poitou, Saint-Loup près d'Airvault, où ils exercent au
XVe siècle et XVIe siècle une activité de
tanneurs, les Arouet sont un exemple de l’ascension sociale de la bourgeoisie
au XVIIe siècle. Le premier Arouet à quitter sa province
s’installe à Paris en 1625 où il ouvre une boutique de marchand de draps et de
soie. Il épouse la fille d’un riche marchand drapier et s’enrichit suffisamment
pour acheter pour son fils, François, le père de Voltaire, une charge de
notaire au Châtelet en 1675 assurant à son titulaire l’accès à la petite
noblesse de robe. Ce dernier, travailleur austère et probe aux relations
importantes, arrondit encore la fortune familiale, épouse le 7 juin 1683 la fille d’un
greffier criminel au Parlement. Arouet père veut donner à son cadet
une formation intellectuelle qui soit à la hauteur des dons que celui-ci
manifeste.
Avec
Marguerite d’Aumard, Arouet père élève cinq enfants (dont trois survivent), et
revend son étude en 1696 pour acquérir une charge de conseiller du roi, receveur des épices à la Cour des
comptes. Voltaire a un frère aîné, Armand, avocat au Parlement, catholique
rigoriste (janséniste), et une sœur,
Marie, seule personne de sa famille qui lui ait inspiré de l’affection. Épouse
de Pierre François Mignot, correcteur à la Chambre des Comptes, elle sera la
mère de l’abbé Mignot, qui jouera un rôle à la mort de Voltaire, et de Marie
Louise Mignot, la future Madame Denis, qui partagera une partie de sa vie.
Le
petit Zozo (surnom affectueux d"Arouet fils, petit enfant) perd sa mère à
l’âge de sept ans.
Chez les grands privilégiés, d'emblée,
et chez les Jésuites, hommes d'Église et poètes (1704-1711)
À
la différence de son frère aîné chez les jansénistes, François-Marie entre à
dix ans comme interne (400 puis 500 livres par an) au collège Louis-le-Grand chez les Jésuites. Le plus cher de la capitale3, ce serait aussi
l’établissement le mieux fréquenté (10 pour cent de fils de nobles étrangers du
Moyen-Orient, quelques chinois)
et François-Marie y reste durant sept ans. Les jésuites enseignent le latin et la rhétorique, mais veulent avant
tout former des hommes du monde et initient leurs élèves aux arts de
société : joutes oratoires, plaidoyers, concours de versification, et théâtre.
Un spectacle, le plus souvent en latin et d'où sont par principe exclues les
scènes d'amour, et où les rôles de femmes sont joués par des hommes, est donné
chaque fin d'année lors la distribution des prix).
Arouet
est un élève brillant, vite célèbre par sa facilité à versifier : sa toute
première publication est son Ode à sainte
Geneviève. Imprimée par les Pères, cette ode est répandue hors les murs de
Louis-le-Grand (au grand dam ultérieurement de Voltaire adulte). Il apprend au
collège Louis-le-Grand à s'adresser d’égal à égal aux fils de puissants
personnages, le tout jeune Arouet tisse de précieux liens d’amitié, très utiles
toute sa vie : entre bien d'autres, les frères d’Argenson, René-Louis et Marc-Pierre,
futurs ministres de Louis XV
et le futur duc de Richelieu. Bien que très critique en ce qui
concerne la religion en général et les ecclésiastiques en particulier, il garde
toute sa vie une grande vénération pour son professeur jésuite Charles Porée. Voltaire écrit en 1746 :
« Rien n’effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est
également cher à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit
l’étude et la vertu plus aimables. Les heures de ses leçons étaient pour nous
des heures délicieuses ; et j’aurais voulu qu’il eût été établi dans
Paris, comme dans Athènes, qu’on pût assister à de telles leçons ; je
serais revenu souvent les entendre. »
Nuits blanches au Temple… de la société
libertine (1711-1718)
Arouet
quitte le collège en 1711 à dix-sept ans et annonce à son père qu’il veut être
homme de lettres, et non avocat ou titulaire d’une charge de conseiller au Parlement,
investissement pourtant considérable que ce dernier est prêt à faire pour lui.
Devant l’opposition paternelle, il s’inscrit à l’école de droit et fréquente la
société du Temple, qui réunit dans l’hôtel de Vendôme, descendant d’un bâtard légitimé de Henri IV et grand prieur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, des membres de la
haute noblesse et des poètes (dont Chaulieu), épicuriens lettrés connus pour
leur esprit et leur amoralité, et amateurs de soupers galants où l’on boit sec.
L’abbé de Châteauneuf, son parrain, qui y
avait ses habitudes, l’avait présenté dès 1708. En leur compagnie, il se
persuade qu’il est né grand seigneur libertin et n’a rien à voir avec les
Arouet et les gens du commun. C'est aussi pour lui une école de poésie. Il va
apprendre dans ce milieu de libertins sceptiques à faire des vers
« légers, rapides, piquants, nourris de référence antiques, libres de ton
jusqu’à la grivoiserie, plaisantant sans retenue sur la religion et la
monarchie ».
Son
père l’éloigne un moment en l’envoyant à Caen, puis en le confiant
au frère de son parrain, le marquis de Châteauneuf, qui vient d’être
nommé ambassadeur à La Haye et accepte d’en faire son secrétaire
privé. Mais son éloignement ne dure pas. À Noël 1713, il est de retour, chassé
de son poste et des Pays-Bas pour cause de relations tapageuses avec une
demoiselle. Furieux, son père veut l’envoyer en Amérique mais finit par le
placer dans l’étude d’un magistrat parisien. Il est sauvé par un ancien client
d’Arouet, lettré et fort riche, M. de Caumartin, marquis de
Saint-Ange, qui le convainc de lui confier son fils pour tester le talent
poétique du jeune rebelle. Arouet fils passe ces vacances forcées au château de Saint-Ange près de Fontainebleau à lire, à écrire et
à écouter les récits de son hôte (« Caumartin
porte en son cerveau/De son temps l’histoire vivante/Caumartin est toujours
nouveau/À mon oreille qu’il enchante ») qui lui serviront pour La Henriade et le Siècle de Louis XIV.
En
1715, c’est la Régence. Arouet a 21 ans. Il est si brillant et si amusant
que la haute société se dispute sa présence. Il aurait pu devenir l’ami du Régent
mais se retrouve dans le camp de ses ennemis. Invité au château de Sceaux, centre d’opposition le plus actif au
nouveau pouvoir, où la duchesse du Maine, mariée au duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV,
tient une cour brillante, il ne peut s’empêcher de faire des vers injurieux sur
les relations amoureuses du Régent et de sa fille, la duchesse de Berry, qui
vient d'accoucher clandestinement.
Le
4 mai 1716, il est exilé à Tulle. Son père use de son
influence auprès de ses anciens clients pour fléchir le Régent qui, bon prince,
remplace Tulle par Sully-sur-Loire où il s’installe
dans le château du jeune duc de Sully, une connaissance du Temple, qui vit
avec son entourage dans une succession de bals, de festins et de spectacles divers.
À l’approche de l’hiver, il sollicite la grâce du Régent qui, sans rancune,
pardonne. Le jeune Arouet recommence sa vie turbulente à Saint-Ange (Caumartin
est aussi un ennemi du Régent) et à Sceaux, profitant de l’hospitalité des
nantis et du confort de leurs châteaux. Mais, pris par l’ambiance, quelques
semaines plus tard, il récidive. S'étant lié d'amitié avec un certain
Beauregard, en réalité un indicateur de la police chargé de le faire parler, il
lui confie être l'auteur de nouveaux ouvrages de vers satiriques contre le
Régent et sa fille.
Le
16 mai 1717, il est envoyé à la Bastille par lettre de cachet. Arouet a
vingt-trois ans. Il restera onze mois à la Bastille.
Premiers succès littéraires, Œdipe et La Henriade et retour à la Bastille (1718-1726)
À
sa première sortie de la prison de la Bastille, conscient d’avoir jusque-là
gaspillé son temps et son talent, il veut donner un nouveau cours à sa vie, et
devenir célèbre dans les genres les plus nobles de la littérature de son
époque, la tragédie et la poésie épique.
Pour
rompre avec son passé, avec sa famille surtout, pour effacer un patronyme aux
consonances vulgaires, équivoque (à rouer), il se crée un nom euphonique, Voltaire. On ne
sait pas à partir de quels éléments il l'a élaboré. De nombreuses hypothèses
ont été avancées (inversion de la petite ville d'Airvault proche de Saint-Loup
le berceau de la famille Arouet, anagramme d’Arouet l.j. (le jeune), personnage
de théâtre nommé Voltare), toutes vraisemblables.
Le
18 novembre 1718, sa pièce, Œdipe,
obtient un immense succès (quarante-cinq représentations plus quatre au Palais-Royal, nombre de
spectateurs évalué à 25 000). Le public, qui voit en lui un nouveau Racine, aime ses vers en forme de maximes et
ses allusions impertinentes au roi défunt et à la religion (« Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple
pense / Notre crédulité fait toute leur science. »). Ses talents de
poète mondain triomphent dans les salons et les châteaux. Il devient l’intime
des Villars qui le reçoivent dans leur château de Vaux et l’amant de Madame de Bernières,
épouse du président à mortier du parlement de Rouen.
Après
l’échec d’une deuxième tragédie, il connaît un nouveau succès en 1723 avec La Henriade, poème épique de
4 300 alexandrins se référant aux modèles classiques (Iliade d'Homère, Énéide de Virgile) dont le sujet est
le siège de Paris par Henri IV
et qui trace le portrait d’un souverain idéal, ennemi de tous les
fanatismes : 4 000 exemplaires vendus en quelques semaines
(soixante éditions successives du vivant de l’auteur). Pour ses contemporains
admiratifs, Voltaire va être longtemps l'auteur de La Henriade, le Virgile
français, le premier à avoir écrit une épopée nationale.
Bastonné
par les laquais du Chevalier de Rohan et retour en Bastille
En
janvier 1726, il subit une humiliation qui va le marquer toute sa vie. Le
chevalier de Guy-Auguste de Rohan-Chabot, jeune gentilhomme
arrogant, appartenant à l'une des plus illustres familles du royaume,
l’apostrophe à la Comédie-Française : « Monsieur de Voltaire, Monsieur
Arouet, comment vous appelez-vous ? ». Sa réplique est
cinglante : « Voltaire !
Je commence mon nom et vous finissez le vôtre ». Quelques jours plus
tard, on le fait appeler alors qu’il dîne chez son ami le duc de Sully. Dans la
rue, il est frappé à coups de gourdin par les laquais du chevalier qui
surveille l’opération de son carrosse. Blessé, humilié, il veut obtenir
réparation, mais aucun de ses amis aristocrates ne prend son parti. Le duc de
Sully refuse de l’accompagner chez le commissaire de police pour appuyer sa plainte.
Il n’est pas question d’inquiéter un Rohan pour avoir fait rouer de coups un
écrivain. « Nous serions bien
malheureux si les poètes n’avaient pas d’épaules », dit un parent de
Caumartin. Le prince de Conti fait un mot sur les coups de
bâtons : « Ils ont été bien
reçus mais mal donnés ». Voltaire veut venger son honneur par les
armes, mais son ardeur à vouloir se faire rendre justice indispose tout le
monde. Les Rohan obtiennent que l’on procède à l’arrestation de Voltaire, qui
est conduit à la Bastille le 17 avril. Il n’est libéré, deux semaines plus
tard, qu’à la condition qu’il s’exile.
En Angleterre, « terre de
Liberté » (1726-1728)
Voltaire
a 32 ans. Cette expérience va le marquer d’une empreinte indélébile. Il
est profondément impressionné par l'esprit de liberté de la société anglaise
(ce qui ne l'empêche pas d'apercevoir les ombres du tableau, surtout vers la
fin de son séjour). Alors qu’en France règnent les lettres de cachet, la loi d’Habeas corpus de 1679 (nul ne peut
demeurer détenu sinon par décision d’un juge) et la Déclaration des droits de 1689 protègent
les citoyens anglais contre le pouvoir du roi. L'Angleterre, cette
« nation de philosophes », rend justice aux vraies grandeurs qui sont
celles de l'esprit. Présent en 1727 aux obsèques solennelles de Newton à Westminster Abbey, il fait la
comparaison : à supposer que Descartes soit mort à Paris,
on ne lui aurait certainement pas accordé d'être enseveli à Saint-Denis, auprès des sépultures royales. La
réussite matérielle du peuple d’Angleterre suscite aussi son admiration. Il
fait le lien avec le retard de la France dans le domaine économique et
l’archaïsme de ses institutions. Il estime que, là où croît l’intensité des
échanges marchands et intellectuels, grandit en proportion l’aspiration des
peuples à plus de liberté et de tolérance.
Il
ne lui faut que peu de temps pour acquérir une excellente maitrise de
l’anglais. En novembre 1726, il s’installe à
Londres. Il rencontre des écrivains, des philosophes, des savants (physiciens,
mathématiciens, naturalistes) et s’initie à des domaines de connaissance qu’il
ignorait jusqu’ici. Son séjour en Angleterre lui donne l'occasion de découvrir Newton dont il n'aura de cesse de faire
connaître l'œuvre. Ainsi s’esquisse la mutation de l’homme de lettres en
« philosophe », qui le conduit à s’investir dans des genres
jusqu’alors considérés comme peu prestigieux : l’histoire, l’essai
politique et plus tard le roman. C’est en Angleterre qu’il commence à rédiger
en anglais l’ouvrage où il expose ses observations sur l’Angleterre, qu’il fera
paraître en 1733 à Londres sous le titre Letters
Concerning the English Nation et dont la version française n’est autre que
les Lettres philosophiques.
Il
se rapproche de la cour de Georges Ier puis de Georges II et prépare une
édition de la Henriade en souscription accompagnée de deux essais en anglais
qui remporte un grand succès (343 souscripteurs) et renfloue ses finances.
Une souscription analogue ouverte en France par son ami Thériot n’en rassemble
que 80 et fera l’objet de nombreuses saisies de la police.
Retour d'Angleterre, loterie et mise
sur orbite (1728-1733)
À
l’automne 1728, il est autorisé à
rentrer en France pourvu qu’il se tienne éloigné de la capitale. L’affaire
Rohan remonte à plus de trois ans. Voltaire procède précautionneusement,
séjournant plusieurs mois à Dieppe où il se fait passer pour un anglais. Il
obtient en avril l’autorisation de venir à Paris, mais Versailles lui reste interdit.
Voltaire
veut être riche pour être un écrivain indépendant. À son retour d’Angleterre,
il n’a que quelques économies qu’il s’emploie activement à faire fructifier. Il
gagne un capital important (avec d’autres et sur une idée du mathématicien La Condamine) en participant à une loterie d’État
mal conçue. Puis, il part à Nancy spéculer sur des
actions émises par le nouveau duc de Lorraine, opération dans laquelle il
aurait « triplé son or ». Il reçoit aussi en mars 1730 sa part de
l’héritage paternel. Ces fonds vont être judicieusement placés dans le
commerce, « les affaires de Barbarie », vente des blés d’Afrique du
Nord vers l’Espagne et l’Italie où elle est plus lucrative qu’à Marseille et les
« transactions de Cadix », échange de
produits des colonies françaises contre l’or et l’argent du Pérou et du Mexique. En 1734, il confie
ses capitaux aux frères Pâris dans leur entreprise de fournitures
aux armées. Enfin, à partir de 1736, Voltaire va surtout prêter de l’argent à
des grands personnages et des princes européens, prêts transformés en rentes
viagères selon une pratique courante de l'époque (à lui d'actionner ses
débiteurs, désinvoltes mais ayant du répondant, pour obtenir le paiement de ses
rentes). « J’ai vu tant de gens de
lettres pauvres et méprisés que j’ai conclu dès longtemps que je ne devais pas
en augmenter le nombre. » Programme réalisé à son retour d’Angleterre.
En
1730, un incident, dont il se souviendra à l’heure de sa mort, le bouleverse et
le scandalise. Il est auprès d’Adrienne Lecouvreur, une actrice qui a
joué dans ses pièces et avec laquelle il a eu une liaison, lorsqu’elle meurt.
Le prêtre de la paroisse de Saint-Sulpice refuse la sépulture (la France est
alors le seul pays catholique où les comédiens sont frappés d’excommunication). Le cadavre doit
être placé dans un fiacre jusqu’à un terrain vague à la limite de la ville où
elle est enterrée sans aucun monument pour marquer sa tombe. Quelques mois plus
tard meurt à Londres une comédienne, Mrs Oldfield, enterrée à Westminster
Abbey. Là encore, Voltaire fait la comparaison.
Voltaire
fait sa rentrée littéraire à Paris par le théâtre (mais il travaille selon son
habitude à plusieurs œuvres à la fois). Sans beaucoup de succès avec Brutus, La mort de César et Eriphyle.
Mais Zaïre en 1732 remporte un
triomphe comparable à celui d’Œdipe
et est joué dans toute l’Europe (la 488e représentation a eu lieu en
1936).
La
mise sur orbite avec les Lettres philosophiques ou Lettres anglaises, publiées
en 1734 apparaît le premier grand travail des Lumières.
Vingt-cinq
lettres abordent des sujets assez variés : la religion, les sciences, les
arts, la politique ou la philosophie (de Pascal notamment).
L'ouvrage
est destiné à un peuple plus ou moins cultivé, capable de lire mais nécessitant
une éducation certaine.
Ce
sont des lettres ouvertes, destinées à être lues par un plus grand nombre grâce
à leur parution sous forme d’un livre.
Sexe et bas bleus (1733-1735)
Depuis
des mois, sa santé délabrée fait que Voltaire vit sans maîtresse. En 1733, il
devient l’amant de Mme du Châtelet. Émilie du Châtelet a 27 ans, 12 de
moins que Voltaire. Fille de son ancien protecteur, le baron de Breteuil, elle décide pendant seize ans de
l’orientation de sa vie, dans une situation quasi conjugale (son mari, un
militaire appelé à parcourir l’Europe à la tête de son régiment, n’exige pas
d’elle la fidélité, à condition que les apparences soient sauves, une règle que
Voltaire « ami de la famille » sait respecter). Ils ont un
enthousiasme commun pour l’étude et sous l’influence de son amie, Voltaire va
se passionner pour les sciences. Il « apprend
d’elle à penser » dit-il. Elle joue un rôle essentiel dans la
métamorphose de l’homme de lettres en « philosophe ». Elle lui
apprend la diplomatie, freine son ardeur désordonnée. Ils vont connaître dix
années de bonheur et de vie commune. La passion se refroidit ensuite. Les
infidélités sont réciproques (la nièce de Voltaire, Mme Denis, devient sa maitresse fin 1745, secret
bien gardé de son vivant ; Mme du Châtelet s’éprend
passionnément de Saint-Lambert en 1748), mais ils ne se sépareront
pas pour autant, l’entente entre les deux esprits demeurant la plus forte. À sa
mort, en 1749, elle ne sera jamais remplacée. Mme Denis, que
Voltaire aimera tendrement, va régner sur son ménage (ce dont ne se souciait
pas Mme du Châtelet), mais elle ne sera jamais la confidente et la
conseillère de ses travaux.
Émilie
est une véritable femme de sciences. L’étendue de ses connaissances en
mathématiques et en physique en fait une exception dans le siècle. C’est aussi
une femme du monde qui mène une vie mondaine assez frénétique en dehors de ses
études. Elle aime l’amour (elle a déjà eu plusieurs amants, dont le duc de Richelieu ; elle devient en 1734 la
maîtresse de son professeur de mathématiques, Maupertuis, que lui a présenté
Voltaire) et le jeu, où elle perd beaucoup d’argent. Elle cherche un homme à sa
mesure pour asseoir sa réussite intellectuelle : Voltaire est un écrivain
de tout premier plan, de réputation européenne, avide de réussite lui aussi.
1734
est l’année de la publication clandestine des Lettres philosophiques, le « manifeste
des Lumières», grand reportage intellectuel et polémique sur la modernité
anglaise, publié dans toute l’Europe à 20 000 exemplaires, selon
l’estimation de René Pomeau, chiffre particulièrement élevé à l’époque. L’éloge
de la liberté et de la tolérance anglaise est perçu à Paris comme une attaque
contre le gouvernement et la religion. Le livre est condamné par le Parlement à
majorité janséniste et brulé au bas du
grand escalier du Palais. Une lettre de cachet est lancée contre
Voltaire qui s’enfuit à Cirey, le château champenois que possèdent
les Châtelet. Un an plus tard, après une lettre de désaveu où il « proteste de sa soumission entière à la
religion de ses pères », il sera autorisé à revenir à Paris si
nécessaire, mais la lettre de cachet ne sera pas révoquée.
Pendant
les dix années suivantes passées pour l’essentiel à Cirey, Voltaire va jouer un
double jeu : rassurer ses adversaires pour éviter la Bastille, tout en
continuant son œuvre philosophique pour gagner les hésitants. Tous les moyens
sont bons : publications clandestines désavouées, manuscrits dont on fait
savoir qu’il s’agit de fantaisies privées non destinées à la publication et
qu’on lit aux amis et visiteurs qui en répandent les passages les plus féroces
(exemple La Pucelle qui ridiculise Jeanne d’Arc). Son engagement est inséparable d’un
combat antireligieux. L’intolérance religieuse, qu’il rend responsable de
retard en matière de civilisation, est pour lui l’un des archaïsmes dont il
voudrait purger la France.
Voltaire
restaure Cirey grâce à son argent. Les journées sont studieuses :
discussions, lectures et travaux en communs, travaux personnels, portant sur la
science et la religion. Voltaire fait des expériences scientifiques dans le
laboratoire d’Émilie pour le concours de l’Académie des sciences. Aidé par Émilie du Châtelet, il est l'un des
premiers à vulgariser en France les idées de Newton sur la gravitation universelle en publiant l'Épitre sur Newton (1736) et les Éléments de la philosophie de Newton (1738). Il commence La Pucelle (pour s’amuser dit-il) et Le Siècle de Louis XIV (pour convaincre
son amie qui n’aime pas l’histoire), prépare L’Essai sur les mœurs, histoire générale de l’Occident chrétien où
il dénombre les horreurs engendrées par le fanatisme. Toujours du théâtre avec Alzire (qui fait « perdre la
respiration » au jeune Rousseau) et Mérope qui est un grand succès. Un
poème, où il fait l’apologie du luxe (« Le superflu, chose très nécessaire »), Le Mondain, et évoque la vie d’Adam, scandalise à Paris
les milieux jansénistes. Prévenu, il
s’enfuit en Hollande par crainte des
représailles. En 1742, sa pièce Mahomet
est applaudie à Paris. Mais les mêmes milieux accusent Voltaire de taxer
d’imposture, à travers l’Islam, le Christianisme lui-même. Ils
obtiennent du pouvoir royal plutôt réticent l’interdiction de fait de la pièce,
que Voltaire, toujours sous le coup de la lettre de cachet de 1734, doit
retirer après la 3e représentation. Elle ne sera reprise qu’en 1751.
Voltaire apparaît de plus en plus comme un adversaire de la religion.
En
1736, Voltaire reçoit la première lettre du futur roi de Prusse. Commence alors une
correspondance qui durera jusqu’à la mort de Voltaire (interrompue en 1754,
après l’avanie de Francfort, elle reprendra en
1757). « Continuez, Monsieur, à
éclairer le monde. Le flambeau de la vérité ne pouvait être confié à de
meilleures mains», lui écrit Frédéric qui veut l’attacher
à sa cour par tous les moyens. Voltaire lui rend plusieurs fois visite, mais
refuse de s’installer à Berlin du vivant de Mme
du Châtelet qui se méfie du roi-philosophe.
Pour
cette raison peut-être, Madame du Châtelet pousse Voltaire à chercher un retour
en grâce auprès de Louis XV. De son côté, Voltaire ne conçoit
d’avenir pour ses idées sans l’accord du roi. En 1744, il est aidé par la
conjoncture : le nouveau ministre des Affaires étrangères est d’Argenson,
son ancien condisciple de Louis-le-Grand et surtout il a le soutien de la
nouvelle favorite Mme de Pompadour, qui l’admire. Son amitié avec le roi
de Prusse est un atout. Il se rêve en artisan d’une alliance entre les deux
rois et accepte une mission diplomatique, qui échoue. Grâce à ses appuis, il
obtient la place d’historiographe de France, le titre de « gentilhomme
ordinaire de la chambre du roi » et les entrées de sa chambre. Dans le
cadre de ses fonctions, il compose un poème lyrique, La Bataille de Fontenoy et un opéra, avec Rameau, à la gloire du roi. Mais Louis XV ne
l’aime pas et Voltaire ne sera jamais un courtisan.
De
même, la conquête de l’Académie lui paraît « absolument
nécessaire ». Il veut se protéger de ses adversaires et y faire rentrer
ses amis (à sa mort, elle sera majoritairement voltairienne et aura à sa tête d'Alembert
qui lui est tout dévoué). Après deux échecs et beaucoup d’hypocrisies (un éloge
des Jésuites et le canular de la
bénédiction papale), il réussit à se faire élire en 1747.
La
même année, Zadig, un petit livre
publié clandestinement à Amsterdam est désavoué par
Voltaire : « Je serais très
fâché de passer pour l’auteur de Zadig qu’on ose accuser de contenir des dogmes
téméraires contre notre sainte religion. » Outre ses aspects
philosophiques, Zadig apparaît comme un bilan autocritique qu'établit Voltaire
à 50 ans, estime Pierre Lepape. La gloire ne s'obtient qu'au prix du
ridicule et de la honte du métier de courtisan, le bonheur est saccagé par les
persécutions qu'il faut subir, l'amour est un échec, la science une manière de
se cacher l'absurdité de la vie. L'histoire de l'humanité est celle d'un
cheminement de la conscience malgré les obstacles : ignorance,
superstition, intolérance, injustice, déraison. Zadig est celui qui lutte
contre cette obscurité de la conscience : « Son principal talent était de démêler la vérité, que tous les hommes
cherchent à s'obscurcir. »
En
septembre 1749, Mme du Châtelet, enceinte de Saint-Lambert, officier de la cour du roi Stanislas et poète, meurt dans les jours qui
suivent son accouchement.
À
la mort de Madame du Châtelet, avec laquelle il avait cru faire sa vie jusqu’à
la fin de ses jours malgré leurs querelles et infidélités réciproques, Voltaire
est désemparé et souffre de dépression (« la seule vraie souffrance de ma vie », dira-t-il). Il a 56
ans. Il ne reste que six mois à Paris. L’hostilité de Louis XV et l’échec de sa tragédie Oreste le poussent à accepter les
invitations réitérées de Frédéric II.
La maturité avérée (1749-1768)
Bonjour et au revoir à Berlin
(1749-1753)
Il
part en juin 1750 pour la cour de Prusse. Le 27 juillet, il
est à Berlin. C’est l’enchantement.
Magnifiquement logé dans l’appartement du maréchal de Saxe, il travaille deux
heures par jour avec le roi qu’il aide à mettre au point ses œuvres. Le soir,
des soupers délicieux avec la petite cour très francisée de Potsdam où il retrouve Maupertuis, président de l’Académie des sciences de Berlin, La Mettrie, d’Argens. Il a sa chambre au château de Sans-Souci et un appartement
dans la ville au palais de la Résidence. En août, il reçoit la dignité de chambellan, avec l’ordre du
Mérite.
Voltaire
va passer plus de deux ans et demi en Prusse (il y termine Le Siècle de Louis XIV
et écrit Micromégas). Mais après
l’euphorie des débuts, ses relations avec Frédéric se détériorent, les
brouilles se font plus fréquentes, parfois provoquées par les imprudences de
Voltaire (affaire Hirschel).
Un
pamphlet de Voltaire contre Maupertuis (ce dernier avait commis, en tant que
président de l’Académie des sciences, un abus de pouvoir contre l’ancien
précepteur de Mme du Châtelet, König, académicien lui
aussi) provoque la rupture. Le pamphlet, La
Diatribe du docteur Akakia, est imprimé par Voltaire sans l’accord du roi
et en utilisant une permission accordée pour un autre ouvrage. Se sentant
berné, furieux que l’on attaque son Académie, Frédéric fait saisir les
exemplaires qui sont brulés sur la place publique par le bourreau. Voltaire
demande son congé.
Il
quitte la Prusse le 26 mars 1753 avec la permission du roi. Il ne se dirige pas
tout de suite vers la France, faisant des arrêts prolongés à Leipzig, Gotha et Kassel où
il est fêté, mais à Francfort, ville libre d’empire, Frédéric le fait arrêter le 31 mai
par son résident le baron von Freytag, pour récupérer un livre de poésies écrit
par lui et donné à Voltaire, dont il craint que ce dernier ne fasse mauvais
usage (Voltaire en fait dans son récit de l’évènement « l’œuvre de poéshie du roi mon maitre »).
Pendant plus d’un mois, Voltaire, en compagnie de Mme Denis venue le
rejoindre, est humilié, séquestré, menacé et rançonné dans une série de scènes
absurdes et ubuesques. Enfin libéré, il peut quitter Francfort le 8 juillet.
Sexagénaire, et recherche d'un gîte en
Suisse (1753-1755)
Jusqu'à
la fin de l’année, il attend à Colmar la permission de
revenir à Paris, mais le 27 janvier 1754, l'interdiction d'approcher de la capitale
lui est notifiée. Il se dirige alors, par Lyon, vers Genève. Il pense trouver un
havre de liberté dans cette république calviniste de notables et de banquiers
cultivés parmi lesquels il compte de nombreux admirateurs et partisans.
Grâce
à son ami François Tronchin, Voltaire achète sous un prête-nom
(les catholiques ne peuvent pas être propriétaires à Genève) la belle maison des
Délices et en loue une autre dans le canton de
Lausanne pour passer la
saison d'hiver. Les Délices annoncent Ferney. Voltaire embellit la maison, y
mène grand train, reçoit beaucoup (la visite du grand homme, au cœur de la
propagande voltairienne, devient à la mode), donne en privé des pièces de
théâtre (le théâtre est toujours interdit dans la ville de Calvin). Très vite, les pasteurs suisses lui
« conseillent » de ne rien publier contre la religion tant qu’il
habite parmi eux.
Tremblement de terre et lancement d'un
livre : Candide (1755-1759)
Il
travaille aussi beaucoup : théâtre, préparation de Candide, sept volumes de l’Essai sur les mœurs tiré à 7000
exemplaires, Poème sur le
désastre de Lisbonne, révision des dix premiers volumes de
ses Œuvres complètes chez Gabriel
Cramer son nouvel éditeu, qui a un réseau de correspondants européens
permettant de diffuser les livres interdits.
Voltaire
collabore aussi à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (125 auteurs recensés).
Ce grand dictionnaire vendu dans toute l’Europe (la souscription coûte une
fortune) défend aussi la liberté de penser et d’écrire, la séparation des
pouvoirs et attaque la monarchie de droit divin. Voltaire rédige une trentaine
d’articles, mais il est en désaccord sur la tactique (« Je voudrais bien savoir quel mal peut faire
un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de
révolution ; ce sont les petits livres portatifs à trente sous qui sont à
craindre»). Il voudrait imposer sa marque, faire de l’Encyclopédie l’organe du combat antichrétien, l’imprimer hors de
France, mais, s’il possède en d’Alembert un allié de poids, il ne peut gagner
Diderot à ses vues.
Largement
inspiré par Voltaire, l’article « Genève» de d’Alembert paru dans le
volume VII en 1757 fait scandale auprès du clergé genevois.
En
France, après l’attentat de Damiens contre Louis XV, une offensive antiphilosophique se
déclenche : après le livre d’Helvétius, De l’Esprit, interdit en août 1758, l’Encyclopédie est interdite à son tour le
8 mars 1759, par décret royal.
Pour
mieux assurer son indépendance et échapper aux tracasseries des pasteurs de Genève, Voltaire achète le château de Ferney (et celui de Tourney qui forme avec le
précédent un vaste ensemble d’un seul tenant) et s’y installe en octobre 1758.
Ferney est dans le Pays de Gex, en territoire français, mais loin de Versailles et à quatre kilomètres de la république genevoise où il peut trouver
refuge et où se situe son éditeur Cramer et bon nombre de ses
partisans dans les milieux dirigeants.
Le Vignoble de la vérité (1759-1763)
Ferney
est la période la plus active de la vie de Voltaire. Il va y résider vingt ans
jusqu’à son retour à Paris. C’est à Ferney qu’il va acquérir une nouvelle
stature, celle d’un champion de la justice et de l’humanité et livrer ses
grandes batailles. Il a 64 ans, un âge au XVIIIe siècle où la vie approche
de son terme.
Voltaire
est devenu riche et en est fier : « Je suis né assez pauvre, j’ai fait toute ma vie un métier de gueux, de
barbouilleur de papier, celui de Jean-Jacques Rousseau, et cependant me voilà avec deux
châteaux, 70 000 livres de rente et 200 000 livres d’argent
comptan »,
écrit-il à son banquier en 1761. Sa fortune lui permet de reconstruire le
château, d’en embellir les abords, d’y construire un théâtre, de faire de son
vivant du village misérable de Ferney une petite ville prospère et aussi de
tenir table et porte ouvertes, jusqu’à ce que l’afflux de visiteurs et la
fatigue l’obligent à restreindre l’accueil.
C’est
la nièce et compagne de Voltaire, Madame Denis, qui reçoit comme
maitresse de maison. Lui ne se montre qu’aux repas, se réservant d’apparaître à
l’improviste si cela lui convient, car il se ménage de longues heures de
travail (« J’ai quelquefois 50
personnes à table. Je les laisse avec Mme Denis qui fait les honneurs, et je
m’enferme. »). Ses visiteurs, qui l’attendent impatiemment, sont en
général frappés par le charme de sa conversation, la vivacité de son regard, sa
maigreur, son accoutrement (habituellement Voltaire ne « s’habille »
pas). Il aime conduire ses hôtes dans son jardin et leur faire admirer le
paysage. Les grandes heures sont celles du théâtre (« Rien n'anime plus la société, rien ne donne plus de grâce au corps et à
l'esprit, rien ne forme plus le goût. », dit-il). Installé à côté du
château, il peut contenir 300 personnes. Voltaire et Mme Denis y
jouent eux-mêmes leurs rôles préférés.
Lutte contre l'injustice : Calas,
Sirven et La Barre (1761-1765)
Le
22 mars 1761, Voltaire est informé que, par ordre du parlement de Toulouse, un vieux commerçant
protestant, nommé Calas, vient d’être roué, puis étranglé et
brulé. Il aurait assassiné son fils, qui voulait se convertir au catholicisme.
Voltaire apprend bientôt qu’en réalité Calas a été condamné sans preuves. Des
témoignages le persuadent de son innocence. Convaincu qu’il s’agit d’une
tragédie de l’intolérance, que les juges ont été influencés par le fanatisme
ambiant, il entreprend la réhabilitation du supplicié et l’acquittement des
autres Calas qui restent inculpés. Pendant trois ans (1762-1765), il mène une
intense campagne : écrits, lettres, mettent en mouvement tout ce qui a de
l'influence en France et en Europe. C'est à partir de l'affaire Calas que le
mot d'ordre « Écrasez l'Infâme »
(chez Voltaire, la superstition, le fanatisme et l'intolérance), abrégé à
l'usage en Ecr.linf., apparaît dans
sa correspondance à la fin de ses lettres. Il élève le débat par un Traité sur la tolérance (1763). Une sentence
d’un parlement n’étant pas susceptible d’appel, le seul recours est le Conseil du royaume, présidé par le roi.
Seul Voltaire a assez de prestige pour saisir une telle instance. De Ferney,
n’ayant que son écritoire et son papier, il parvient à faire casser l’arrêt du
Parlement et à faire indemniser la famille. « Par lui – par lui seul – le
procès Calas deviendra l’affaire Calas, une de ces affaires qui marquent la
conscience des hommes. », écrit René Pomeau.
Il
réussit de même à faire réhabiliter Sirven, un autre protestant
condamné par contumace le 20 mars 1764 à
être pendu, avec sa femme, pour le meurtre de leur fille que l’on savait folle
et qu’on trouva noyée dans un puits. On accusait son père et sa mère de l’avoir
assassinée pour l’empêcher de se convertir. Les deux parents vont solliciter
Voltaire qui obtient leur acquittement après un long procès.
L’affaire
La Barre surpasse en horreur celles de Calas et
de Sirven. À Abbeville, le 9 août 1765, on
découvre en pleine ville, sur le Pont-Neuf, un crucifix de bois mutilé. Une
enquête est ouverte. Les soupçons se portent sur un groupe de jeunes gens qui
se sont fait remarquer en ne se découvrant pas devant la procession du Saint-Sacrement, en chantant des
chansons obscènes et en affectant de lire le Dictionnaire
philosophique
de Voltaire. Deux s’enfuient. Le chevalier de La Barre, âgé de 19 ans, est
condamné à avoir la langue coupée, puis à être décapité et brulé. Le Parlement de Paris confirme la
sentence. L’exécution a lieu le 1er juillet 1766. Le Dictionnaire philosophique est brulé en même
temps que le corps et la tête du condamné. Voltaire rédige l’exposé détaillé de
l’affaire, fait ressortir le scandale, provoque un revirement de l’opinion. Le
juge d’Abbeville est révoqué, les coïnculpés acquittés. « Ce sang innocent crie, et moi je crierai
aussi ; et je crierai jusqu’à ma mort. » écrit Voltaire à d’Argental.
Son
engagement pour combattre l'injustice va durer jusqu'à sa mort (réhabilitation
posthume de Lally-Tollendal, affaires Morangiés, Monbailli, serfs
du Mont-Jura). « Il faut dans cette
vie combattre jusqu’au dernier moment », déclare-t-il en 1775.
D comme Dictionnaire (portatif…), D
comme Danger (1764-1768)
À
Ferney, Voltaire va s’affirmer comme le champion de la
« philosophie », cette pensée des Lumières portée par de très
nombreux individus – mais dispersés et constamment engagés entre eux en d’âpres
discussions. Sa production imprimée pendant ces années va être considérable.
« J’écris pour agir »
affirme-t-il. Il veut gagner ses lecteurs à la cause des Lumières. Il choisit
pour sa propagande des œuvres « utiles et courtes ». Contrairement à L’Encyclopédie avec ses gros
volumes facilement bloqués chez l’éditeur, il privilégie les brochures de
quelques pages qui se dissimulent aisément, échappent aux perquisitions de la
douane et de la police et se vendent pour quelques sous.
À
Paris, il peut compter sur une équipe de fidèles, en premier lieu d’Alembert, futur secrétaire de
l'Académie française, dont les relations
mondaines et littéraires lui sont de précieux atouts, et qui n’hésite pas à le
mettre en garde ou à corriger ses erreurs, mais aussi Grimm, Mme d’Épinay, Helvétius, Marmontel, Mme du Deffand, et aussi sur des appuis politiques
comme Richelieu ou Choiseul (qui ne sont ni
philosophes, ni libéraux, mais à qui Voltaire plaît).
Quand
il s’installe à Ferney, la diffusion clandestine de Candide, son chef-d’œuvre, a
commencé. « Jamais Voltaire n’a aussi bien exprimé le monde tel que le
voit son humeur : vision désolée et gaie, décapante mais tonique. »
écrit René Pomeau, qui calcule qu’il a dû se vendre en
1759 environ 20 000 Candide, chiffre énorme à l’époque où L’Encyclopédie même ne dépasse pas
4 000 exemplaires.
En
France, le pouvoir et les milieux conservateurs ont lancé une campagne contre
les idées nouvelles : interdiction de L’Encyclopédie,
discours de Le Franc de Pompignan à l’Académie,
comédie de Palissot contre les philosophes au Théâtre-Français, attaques de Fréron, grand journaliste et polémiste
redoutable. De Ferney, Voltaire organise la contre-offensive : articles,
brochures, petits vers (l’épigramme contre Fréron est restée célèbre : L’autre jour au fond d’un vallon, /Un serpent piqua Jean Fréron ;/Que croyez-vous qu’il arriva ?/Ce fut le serpent qui creva.), comédies,
pièces, tout est bon pour faire taire les ennemis des philosophes.
En
1764, le Dictionnaire
philosophique portatif, bilan de la réflexion philosophique
de Voltaire, en même temps qu’outil pédagogique destiné au public cultivé, se
répand, toujours clandestinement, en Europe. Considéré comme impie, il est
condamné en France par le Parlement le 19 mars 1765 (Louis XV, après avoir pris connaissance du
livre aurait demandé : « Est-ce qu’on ne peut pas faire taire cet
homme-là ? »), mais aussi à Genève et à Berne où il est brûlé.
Manifeste des Lumières (Voltaire en donne quatre nouvelles éditions de 1764 à
1769 chaque fois enrichies d’articles nouveaux), le Dictionnaire est composé de textes brefs et vifs, rangés dans
l’ordre alphabétique. « Ce livre
n’exige pas une lecture suivie, écrit Voltaire en tête de volume, mais, à quelque endroit qu’on l’ouvre, on
trouve de quoi réfléchir. »
Derniers feux (1768-1778): du jardin au
cimetière
Le déiste toujours en lutte (1768-1769)
« J’ai été pendant 14 ans l’aubergiste de
l’Europe », écrit-il à Madame du Deffand. Ferney se trouve
sur l’axe de communication de l’Europe du Nord vers l’Italie, itinéraire du Grand Tour de l’aristocratie européenne au XVIIIe siècle.
Les visiteurs affluent pour le voir et l’entendre. Les plus nombreux sont les
Anglais qui savent que le philosophe aime l’Angleterre (trois ou quatre cents
affirme Voltaire), mais il y a aussi des Français, des Allemands, des Italiens,
des Russes. Leurs témoignages permettent de connaître la vie quotidienne à
Ferney.
À
Ferney, l’artiste genevois Jean Huber, devenu un familier
de la maison, a fait d’innombrables croquis et aquarelles de Voltaire, à la
fois comique et familier, dans l’ordinaire de sa vie quotidienne. En 1768,
l'impératrice Catherine II lui commande un cycle de peintures
voltairiennes dont neuf toiles sont conservées au musée de l’Ermitage.
Les
capitaux que Voltaire investit tirent Ferney de la misère. Dès son arrivée, il
améliore la production agricole, draine les marécages, plante des arbres,
achète une nouveauté dont il est fier, la charrue à semoir et donne l’exemple
en labourant lui-même chaque année un de ses champs. Il fait construire des
maisons pour accueillir de nouveaux habitants, développe des activités
économiques, soieries, horlogerie surtout. « Un repaire de 40 sauvages est devenu une petite ville opulente
habitée par 1 200 personnes utiles », peut-il écrire en
1777.
À
la fin des années 1990, l'État français a acheté le château de Ferney-Voltaire
qui est administré par le .Centre des monuments nationaux. En cours de
restauration, il est ouvert aux visiteurs.
Dans l'expectative (1769-1773)
Bien
avant la mort de Louis XV, Voltaire souhaite revenir à Paris
après une absence de près de 28 ans.
Le combat de la dernière ligne droite
(1773-1776)
Depuis
le début de février 1773, Voltaire souffre d'un cancer de la prostate
(diagnostic rétrospectif établi de nos jours grâce au rapport de l’autopsie
pratiquée le lendemain de son décès). La dysurie est majeure, les clochers
fébriles fréquents ainsi que les pertes de connaissance. Les jambes gonflées
font parler d'hydropisie (affection dont son probable père biologique serait
mort en 1719). Le 8 mai, il informe d'Alembert : "Je vois la mort au
bout de mon nez". Les mictions sont difficiles. L'été 1773, des forces
reviennent, mais la crise de rétention aigue d'urines de février 1773, le
reprend en mars 1774. En mai 1774, il perd sa plus jeune nièce de tuberculose,
Elisabeth, marquise de Florian (ex Mme de Fontaine, née Mignot).
Suit moins triste, pour Voltaire, la mort de Louis XV de petite vérole le 10 mai 1774.
Le dernier acte (1776-1778)
Les
nouvelles autorités font comprendre à ses amis qu’on fermerait les yeux s’il se
rendait aux répétitions de sa dernière tragédie. Après beaucoup d’hésitations,
il se décide en février 1778 à l’occasion de la création d'Irène à la Comédie-Française. Il arrive le 10
février et s’installe dans un bel appartement de l’hôtel du marquis de Villette (qui a épousé en
1777 sa fille adoptive, Mlle de Varicourt surnommée « Belle et
Bonne ») au coin de la rue de Beaune et du quai des
Théatins (aujourd’hui quai Voltaire).
Dès
le lendemain de son arrivée, Voltaire a la surprise de voir des dizaines de
visiteurs envahir la demeure du marquis de Villette qui va devenir pendant tout
son séjour le lieu de rendez-vous du Tout-Paris « philosophe ».
Le
30 mars 1778 est le jour de son triomphe à l’Académie, à la Comédie-Française et dans les rues de
Paris. Sur son parcours, une foule énorme l’entoure et l’applaudit. L’Académie
en corps vient l’accueillir dans la première salle. Il assiste à la séance,
assis à la place du directeur. À la sortie, la même foule immense l’attend et
suit le carrosse. On monte sur la voiture, on veut le voir, le toucher. À la
Comédie-Française, l’enthousiasme redouble. Le public est venu pour l’auteur,
non pour la pièce. La représentation d’Irène
est constamment interrompue par des cris. À la fin, on lui apporte une couronne
de laurier dans sa loge et son buste est placé sur un piédestal au milieu de la
scène. À la sortie, il est retenu longtemps à la porte par la foule qui réclame
des flambeaux pour mieux le voir. On s’exclame : « Vive le défenseur
des Callas ! ».
Voltaire
peut mesurer ce soir-là l’indéniable portée de son action, même si la cour, le
clergé et l’opinion antiphilosophique lui restent hostiles et se déchaînent
contre lui et ses amis philosophes, ennemis de la religion, des bonnes mœurs et
de la monarchie.
Comme une chandelle (mars-mai 1778)
Voltaire
a 83 ans. Atteint d’un mal qui progresse insidieusement pour entrer dans sa
phase finale le 10 mai 1778, les mois qui lui restaient à vivre ont été pour
lui, nous l'avons vu, à la fois ceux de l’apothéose et du martyre. Voltaire
maintenant n'a plus que 6 semaines à vivre. Mais il se comporte comme s'il
était indestructible. Il ne se sent pas bien, même si son état de santé et son
humeur changent d’un jour à l’autre. Il envisage son retour à Ferney pour Pâques, mais il se sent si
bien à Paris qu'il pense sérieusement à s'y fixer. Madame Denis, ravie, part à
la recherche d'une maison. Il veut se prémunir contre un refus de sépulture.
Dès le 2 mars, il fait venir un obscur prêtre de la paroisse de Saint-Sulpice, l’abbé Gaultier, à qui il remet une
confession de foi minimale (qui sera rendue publique dès le 11 mars) en échange
de son absolution.
Le
28 mars, il écrit à son secrétaire Wagnière les deux lignes
célèbres : « Je meurs en
adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, et en
détestant la superstition. »
À
partir du 10 mai 1778, malgré l'assistance du docteur Théodore Tronchin, ses souffrances deviennent
intolérables. Pour calmer ses douleurs, il prend de fortes doses d’opium qui le
font sombrer dans une somnolence entrecoupée de phases de délire. Mais une fois
passée l’action de l’opium, le mal se réveille pire que jamais.
La
conversion de Voltaire, au sommet de sa gloire, aurait constitué une grande
victoire de l’Église sur la « secte philosophique ». Le curé de
Saint-Sulpice et l’archevêque de Paris, désavouant l’abbé Gaultier, font savoir
que le mourant doit signer une rétractation franche s’il veut obtenir une
inhumation en terre chrétienne. Mais Voltaire refuse de se renier. Des
tractations commencent entre la famille et les autorités soucieuses d’éviter un
scandale. Un arrangement est trouvé. Dès la mort de Voltaire on le transportera
« comme malade » à Ferney. S’il décède pendant le voyage, son corps
sera conduit à destination.
Voltaire
meurt le 30 mai dans l'hôtel de son ami le marquis de Villette, « dans de
grandes douleurs, excepté les quatre derniers jours, où il a fini comme une
chandelle », écrit Mme Denis. Le 31 mai, selon sa volonté, M.
Try, chirurgien, assisté d’un M. Burard, procède à l'autopsie. Le corps est
ensuite embaumé par M. Mitouart, l'apothicaire voisin qui obtient
de garder le cerveau, le cœur revenant à Villèle (voir en Informations
complémentaires l'histoire de ces deux organes).
Le
neveu de Voltaire, l’abbé Mignot, ne veut pas courir le risque d’un transport à
Ferney. Il a l’idée de l’enterrer provisoirement dans la petite abbaye de Sellières près de Troyes, dont il est abbé commendataire. Le 31 mai, le corps
de Voltaire embaumé est installé assis, tout habillé et bien ficelé, avec un
serviteur, dans un carrosse qui arrive à Scellières le lendemain après-midi.
Grâce au billet de confession signé de l’abbé Gaultier, il est inhumé religieusement
dans un caveau de l’église avant que l’évêque de Troyes, averti par l’archevêque de Paris Christophe de Beaumont, n’ait eu le temps
d’ordonner au prieur de Scellières de surseoir à l’enterrement.
Le Panthéon
Après
la mort de Voltaire, Mme Denis, légataire universelle, vend Ferney à
Villette (la bibliothèque, acquise par Catherine II, est convoyée
jusqu’à Saint-Pétersbourg par Wagnière). Villette, s’apercevant que le
domaine est lourdement déficitaire, le revend en 1785. Le transfert de la
sépulture à Ferney devient impossible. L’abbé Mignot veut commander un mausolée
pour orner la dalle anonyme sous laquelle repose Voltaire, mais les autorités
s’y opposent.
En
1789, l’Assemblée constituante vote la nationalisation des biens du clergé. L'abbaye de Sellières va être mise en
vente. Il faut trouver une solution. Villette fait campagne pour le transfert à
Paris des restes du grand homme (il a déjà débaptisé de sa propre autorité le
quai des Théatins en y apposant une plaque : « Quai Voltaire »). C’est lui qui lance le nom de
Panthéon et désigne le lieu, la basilique de Sainte-Geneviève.
Le
30 mai 1791, jour anniversaire de sa mort, l’Assemblée, malgré de fortes
oppositions (les membres du clergé constituent le quart des députés) décide le
transfert. Le 4 avril, après la mort de Mirabeau survenue le 2,
l’Assemblée décrète que « le nouvel édifice de Sainte-Geneviève sera
destiné à recevoir les cendres des grands hommes ». Mirabeau est le
premier « panthéonisé ». Voltaire le suit le 11 juillet. Comme le
corps de Mirabeau fut retiré de ce monument des suites de la découverte de l'armoire de fer, Voltaire est devenu le plus ancien
hôte du Panthéon.
Le
cortège comprend des formations militaires, puis des délégations d’enfants.
Derrière une statue de Voltaire d’après Houdon, portée par des élèves des beaux-arts costumés à
l’antique, viennent les académiciens et gens de lettres, accompagnés des 70
volumes de l’édition de Kehl, offerts par Beaumarchais. Sur le sarcophage
se lit une inscription : « Il vengea Calas, La Barre, Sirven et Monbailli. Poète,
philosophe, historien, il a fait prendre un grand essor à l’esprit humain, et
nous a préparés à être libres. »
Biographie de
Voltaire en dates
François
Marie Arouet naît le 21 novembre à Paris. Il est le troisième enfant
d'une famille dont le père est receveur à la Cour des Comptes.
|
|
1704
|
Il
effectue de 1704 à 1711 de brillantes études de rhétorique et de philosophie
chez les jésuites du collège Louis Le Grand. Cette éducation l'initie aux
plaisirs de la conversation et du théâtre. Son parrain, l’abbé de Châteauneuf
le présente à Ninon de Lenclos, alors âgée de plus de quatre-vingt ans. La
légende veut que la vieille courtisane, charmé par le jeune homme, l'ait
couché…. sur son testament.
|
1713
|
Le
jeune François Marie Arouet néglige ses études de droit. Il part comme
secrétaire d'ambassade à la Haye. Il tombe amoureux d'une jolie huguenote,
l'ambassadeur le renvoie à Paris.
|
1714
|
Son
parrain, l’abbé de Châteauneuf, l'introduit dans les milieux mondains et
libertins parisiens. Il vole de château en château et anime les dîners
galants de ses vers hardis.
|
1716
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Ses
écrits satiriques sur les amours incestueuses du Régent font scandale. Ce
mélange d'insolence et d’inconscience lui vaudront d’être emprisonné onze
mois à la Bastille ( mai 1717 à avril 1718).
|
1718
|
Dès
sa sortie de prison, le jeune Arouet prend le pseudonyme de Voltaire
(anagramme probable de A.R.O.V.E.T L.e I.eune). Il présente sa première
tragédie, Œdipe et connaît un beau succès.
|
1722
|
Le
Régent, guère rancunier, lui accorde une pension. Mort de son père, qui lui
lègue une belle fortune.
|
1723
|
Il
publie La Henriade, une épopée consacrée à la grandeur de Henri IV.
|
1725
|
Il
est chargé des représentations théâtrales pour les fêtes du mariage de louis
XV.
|
1726
|
À
la suite d’une altercation avec le chevalier de Rohan, Voltaire est une
nouvelle fois embastillé pendant deux semaines. A sa libération, il s'exile
en Angleterre. Il y passera deux ans et demi. Ce séjour au sein de la
monarchie parlementaire et libérale anglaise l'influencera. Il y découvrira
notamment la tolérance religieuse et un "souffle"de liberté.
|
1728
|
Il
dédie La Henriade, à la reine d'Angleterre. Cette œuvre sera très appréciée
des anglais.
|
1729
|
Retour
en France.
|
1731
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Histoire
de Charles XII. Le gouvernement ordonne la saisie de cette œuvre, mais
celle-ci circulera clandestinement.
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1732
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Zaïre,
tragédie écrite en trois semaines. Il obtient un immense succès et apparaît
comme le digne successeur de Corneille et Racine.
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1773
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Le
Temple du Goût.
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1734
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Lettres
Philosophiques. Voltaire y fait l’éloge des mœurs politiques anglaises; une
façon pour lui de dénoncer les travers de la monarchie française. Ces lettres
déclenchent un immense scandale. Elles sont condamnées à être brûlées et
Voltaire, pour échapper à la Bastille, doit quitter Paris. Il se réfugie dans
le château d'Emilie du Châtelet, à Cirey en Champagne. Il y restera dix ans
et va s’adonner à l’étude, à l’écriture, à des expériences de physique et à
la philosophie scientifique. Il compose également plusieurs pièces de
théâtre.
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1735
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Traité
de métaphysique, Mort de Jules César
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1736
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Le
Mondain, poème à la fois épicurien et ironique, sur le bonheur d'être sur
terre. Alzire ou les Américains L'Enfant Prodigue Voltaire entame en
Août, des relations épistolaires avec Fréderic II, alors prince royal de
Prusse. Cette correspondance débouchera en 1741 sur un premier séjour de
Voltaire à Berlin, chez celui qui sera devenu entre-temps roi de Prusse.
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1738
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Éléments
de la philosophie de Newton, ouvrage de vulgarisation qui contribua largement
à la diffusion des idées nouvelles.
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1739
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Une
Vie de Molière
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1741
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Mahomet
ou le fanatisme, essai sur le drame du pouvoir.
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1744
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Le
comte d'Argenson, devenu ministre des Affaires Etrangères, fait revenir
Voltaire à Paris. Il est également soutenu par Mme de Pompadour, la nouvelle
favorite du roi. Il devient historiographe du roi Louis XV La Bataille de
Fontenoy
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1746
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Voltaire
est élu à l'académie française
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1748
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Zadig : premier conte
philosophique important de Voltaire. Il traite de la destinée humaine, du
bonheur, du destin, du bien et du mal… Sémiramis, tragédie. Voltaire est peu
apprécié du couple royal. Déçu, désabusé, il se retire un an, avec Emilie du
Châtelet, à la cour du roi de Pologne Stanislas, à Lunéville.
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1749
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Mme du
Châtelet, qui a une liaison avec le jeune poète Saint-Lambert, meurt en
couches. Cette mort affecte profondément Voltaire qui décide alors de
répondre à l’invitation de Frédéric II, et part pour la Prusse.
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1750
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Oreste
On retire à Voltaire, contre les usages, sa fonction d’historiographe. Il
part pour Berlin à la cour du roi Fréderic II de Prusse. Les relations entre
le roi philosophe et le philosophe roi sont d’abord idylliques, mais
celles-ci deviendront vite orageuses.
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1751
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Le
Siècle de Louis XIV
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1752
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Micromégas,
conte philosophique qui traite de la relativité des connaissances.
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1753
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Brouille
entre Frédéric II et Voltaire. Le philosophe doit quitter l’Allemagne.
La France lui refuse l’asile, en raison du scandale causé par l'édition
pirate de son Abrégé de l'Histoire Universelle. Voltaire s’installe à Ferney,
près de Genève.
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1755
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En
mars, il s'installe avec Mme Denis, dans les environs de Genève. Il achète
une propriété qu'il appelle Les Délices.
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1756
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Essai
sur l’Histoire générale et sur les mœurs. Voltaire joue un rôle essentiel
dans le renouveau des études historiques. Poème sur le désastre de Lisbonne
Premier désaccord avec Rousseau sur la question de la Providence.
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1757
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Il
collabore au septième tome de l’Encyclopédie. Les autorités genevoises
n’apprécièrent pas l’article Genève qu’il y rédige, en raison des critiques
sévères contre la République et la religion calviniste qu’il contient.
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1759
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Candide, conte
philosophique considéré comme l’un de ses chefs d’oeuvre. Le héros, Candide,
est un jeune homme crédule à qui son précepteur, Pangloss, inculque une
théorie très simpliste sur l’optimisme. Les mésaventures du jeune héros
mettent à mal cette doctrine. Cela permet à Voltaire de se moquer de toutes
les théories métaphysiques qui ne résistent pas à l’épreuve des faits.
Au-delà du procès de l’intolérance, du fanatisme, de la mauvaise foi ou de la
superstition, Candide est aussi une
défense du pragmatisme, présenté comme une forme de lucidité et de sagesse.
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1760
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Voltaire
s’établit à Ferney. Il va faire de cette petite ville du pays de Gex, un haut
lieu de l’Europe intellectuelle. Il engage une correspondance avec plusieurs
souverains : l’impératrice Catherine II de Russie, Frédéric II, les rois
de Pologne, du Danemark et de Suède. De Paris, des personnages influents lui
témoignent également leur soutien : Choiseul (alors Ministre des
Affaires étrangères), d’Alembert, Richelieu, Turgot, Condorcet…
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1762
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Voltaire
défend Calas, un huguenot condamné sans preuve pour avoir tué son fils, qu’il
soupçonnait de vouloir se convertir au catholicisme
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1763
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Traité
sur la Tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas Ce Traité sur la
Tolérance est une protestation contre l’injustice faite à l’accusé et contre
le fanatisme d’une accusation née de la rumeur et de la haine.
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1764
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Le
Dictionnaire philosophique portatif. Voltaire y raille la métaphysique, le
fanatisme, la théologie et y expose ses grands principes politiques : Lois,
Etats, Gouvernements… Commentaires sur Corneille
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1765
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La
Philosophie de l'Histoire
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1770
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Neuf
Volumes de Questions sur l'Encyclopédie
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1772
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Epître
à Horace
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1775
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Lettres
de M. de Voltaire à l'Académie française
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1778
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Voltaire
quitte Ferney le 5 février. Retour triomphal à Paris. Voltaire meurt le
30 mai et est enterré presque clandestinement, l'Eglise lui ayant refusé
des obsèques. Pourtant, en février, 4 mois avant sa mort, il déclarait
vainement, dans une ultime profession de foi : " Je meurs en adorant
Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, en détestant la
superstition.."
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1791
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Sa
dépouille est transférée au Panthéon.
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