Courants littéraires
Le
Siècle des Lumières
XVIIIe siècle
Histoire
et société
Le règne
de Louis XIV avait marqué l’apogée de la monarchie française
; le XVIIIe siècle voit son déclin et sa chute. La Régence
du duc d’Orléans se traduit par le relâchement des mœurs et aussi de
l’autorité. Louis XV ne mérite plus d’être surnommé le « bien-aimé ». La France
est obligée de céder l’Inde et le Canada à l’Angleterre. Les difficultés
financières s’accroissent et précipitent le mouvement de contestation
politique. Louis XVI tente de timides réformes, mais il se heurte à
l’opposition des nobles, soucieux de leurs privilèges. L’agitation politique
oblige le roi à reunir les États généraux. Le Tiers-État amorce la dynamique
révolutionnaire avec la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789.
Sur le plan
social et culturel, la Cour cesse d’être le centre du pays et la source de
l’opinion. Le mouvement des idées se fait contre elle. Les salons, les cafés et
les clubs sont les nouveaux foyers de la vie intellectuelle.
Les salons
entretiennent le goût de la conversation brillante ; ils suscitent parmi ceux
qui les fréquentent, gens du monde et philosophes, une émulation d’esprit et
favorisent la hardiesse de la pensée. Les plus connus sont ceux de Mme de
Tencin où l’on discute des idées nouvelles, de Mme du Deffand qui
encourage les
Encyclopédistes et de Mme
Geoffrin, célèbre dans toute l’Europe. On échange également des idées dans les
cafés, dont le plus fameux est le café Procope, et dans les clubs où des
esprits sérieux et soucieux de progrès s’intéressent aux problèmes politiques.
C’est l’âge des
Lumières, du triomphe de l’esprit philosophique et des conquêtes de la raison.
Dans tous les domaines, en effet, qu’il s’agisse de la monarchie absolue, des
dogmes religieux, de la morale sociale. des sciences et de la littérature, les
philosophes des Lumières vont faire de la liberté « éclairante » et «
rayonnante » le mot d’ordre et le principe de leur réflexion et de leur action.
Les
précurseurs
Le courant de la
pensée critique et de l’esprit d’examen remonte à la
Renaissance, à Rabelais et surtout à Montaigne. Dans les années finissantes du
XVIIe siècle, la querelle
des Anciens et des Modernes remet en question les valeurs établies. Au début
du XVIIIe siècle, le rôle de Bayle et de Fontenelle fut
capital dans l’avènement du mouvement philosophique.
Pierre Bayle (1647-1706)
est un disciple de Descartes. Il applique à tous les domaines l’esprit
critique, principale leçon du Discours de la méthode. Ainsi, il examine les
idées reçues aussi bien dans les sciences que dans la morale et la religion.
Citoyen de la « République des idées », il fait la guerre à l’erreur. Quant à
Fontenelle (1657-1757), il se distingue par ses œuvres de vulgarisation
scientifique où il expose clairement les progrès réalisés par les savants de
son époque. En effet, depuis le début du siècle, la science a détrôné la
métaphysique et elle exerce une influence considérable sur le mouvement des
idées. La philosophie demande aux sciences expérimentales des faits contrôlés,
leur emprunte méthodes et raisonnements. Fontenelle a beaucoup contribué à
répandre cet engouement pour la science.
Manifestations
de l’esprit philosophique
Caracterisé par
une entière confiance dans la raison humaine chargée de résoudre tous les
problèmes et par une foi optimiste dans le progrès, l’esprit philosophique est
un nouvel humanisme. Alors que la philosophie traditionnelle est avant tout
orientée vers la théorie et l’abstraction, la philosophie, au XVIIIe siècle, s’intéresse essentiellement aux
problèmes d’ordre politique, social et religieux. Prenant pour seul guide la
raison, le philosophe considère que le droit de regard s’étend à tous les
domaines, en vue de construire un monde éclairé. Ainsi, dans les sciences, la
méthode expérimentale devient le critère de toute pensée juste. En politique,
la monarchie absolue est remise en question au profit de systèmes politiques
démocratiques. Les privilèges de la noblesse et du clergé sont contestés et les
principes de liberté et d’égalité sont hautement proclamés. En religion, la
plupart des philosophes croient en l’existence d’un Dieu créateur et moteur de
l’univers mais ils rejettent les dogmes religieux qu’on ne peut prouver
rationnellement et dénoncent toutes les formes de l’intolérance.
L’action des
philosophes prend l’aspect d’un combat pour faire aboutir de grandes
revendications humaines. Toute personne a droit à être reconnue au-delà des
différences superficielles de pays et de race. Dans le Livre XV de L’Esprit des Lois, Montesquieu fait le procès de
l’esclavage. Voltaire montrera, lui aussi, dans Candide toutes les misères liées à la
condition des esclaves. La liberté de croyance et d’expression doit être
reconnue et codifiée dans la constitution. Les philosophes dénoncent, par
ailleurs, tous les procédés qui sont un défi à la raison, et donc une négation
de la civilisation, en particulier, la guerre et la torture.
Projets
de société et littérature engagée
À partir de
1734, Montesquieu considère qu’il a accumulé une expérience et une
documentation suffisantes pour réaliser dans toute son ampleur, son ambition de
penseur politique: il se consacre à l’œuvre de sa vie. L’Esprit des Lois (1748), où il établit un
modèle de système politique fondé sur l’équilibre, la modération et la
séparation des pouvoirs. S’il garde généralement la sérénité du savant,
l’auteur ne cache pas ses préférences, au contraire, il marque constamment son
mépris pour le despotisme et dénonce avec vigueur tous les abus.
Quant à Voltaire, il s’illustre quasiment dans
tous les genres littéraires et son œuvre monumentale porte le sceau de son
engagement. Dans les Contes, le Traité sur la Tolérance et le Dictionnaire philosophique, notamment, il dénonce
les maux majeurs qui entravent la marche du progrès et le bonheur des hommes.
Pour lui, l’adversaire des philosophes le plus dangereux et le plus détesté,
c’est le fanatique, qu’il appelle également « l’Infâme ». D’autres philosophes ont
exercé une influence considérable sur leurs contemporains. C’est le cas
de Rousseau qui fait le procès de la civilisation dans les
deux Discours préférant à celle-ci l’état de
nature. Dans son ouvrage, Du Contrat social,
il examine les conditions d’un nouveau pacte social fondé sur le respect des droits
naturels à l’égalité et à la justice.
L’esprit philosophique
trouve son expression la plus achevée dans L’Encyclopédie (Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers), grande œuvre
collective destinée à diffuser les Lumières. La direction de l’entreprise est
confiée à Diderot qui lui consacre, pendant vingt ans, une grande
partie de son activité. Diderot, aidé de toute une équipe de
collaborateurs, parmi lesquels on trouve le mathématicien d’Alembert, Montesquieu, Voltaire et Rousseau, conçoit pour cette œuvre un dessein vaste et
original ; d’abord dresser un tableau des connaissances scientifiques et
techniques, et ensuite faire de l’ouvrage une arme de la lutte philosophique.
Le retentissement des dix-sept volumes de L’Encyclopédie fut considérable et les
derniers volumes, parus en 1772, s’achèvent sur un acte de foi dans l’avenir de
l’humanité.
Ainsi, ce tourbillon
des idées a affecté les différents genres littéraires. Il a même favorisé l’éclosion de nouveaux genres
tels le discours, le dictionnaire, le conte philosophique. Vers 1780, la comédie avec Beaumarchais s’inscrit dans ce mouvement de
contestation. Dans le Barbier de Séville (1775)
et le Mariage de Figaro (1784) le mouvement et la
verve du dialogue vont de pair avec la violence de la satire des mœurs et les
allusions hardies à l’actualité.
Conclusion
Certes, le XVIIIe siècle est marqué vers 1750 par l’émergence de
la sensibilité préromantique, mais c’est le rationalisme critique qui va
inspirer la Révolution de 1789. Des bouleversements définitifs ont été
longuement préparés par les philosophes et l’on comprend que les
révolutionnaires aient tenu, dans un hommage suprême, à placer les cendres
de Voltaire et de Rousseau au Panthéon, temple des bienfaiteurs de la
patrie.
Немає коментарів:
Дописати коментар